Démocratie, le fard et la manière – sur les écrits politiques de Dewey
Ce 15 mai marquait le septième anniversaire de l’émergence du mouvement 15-M, en Espagne, plus connu sous le nom des Indignés et pour leur occupation, en plein contexte de crise et de politiques d’austérité, de la place madrilène : la Puerta del Sol, un mois durant. Mouvement qui s’égrainera alors dans d’autres capitales : Athènes, Tel-Aviv, jusqu’à New York avec le mouvement Occupy Wall Street (ou « We are the 99% », sous-entendu la part de la population qui ne détient pas les richesses), chaque fois pour protester contre la confiscation du pouvoir politique (bien que chaque place marquera l’occasion de spécifier cette contestation à son propre contexte).
Autant de signes que la démocratie serait jugée en crise. Or, si les pancartes espagnoles scandaient le slogan « ¡ Democracia Real Ya ! » (« Une vraie démocratie maintenant »), c’est le terme de « démocratie radicale » que le philosophe pragmatiste américain John Dewey (1859-1952), lui, emploie, une centaine d’années plus tôt, comme l’indique l’un des articles contenus dans le recueil de traductions proposées par Joëlle Zask et Jean-Pierre Cometti, qui vient de paraître sous le titre Écrits politiques. Occasion de mettre en évidence la pertinence que sa pensée politique a, encore, pour nous aujourd’hui.
Certes, dans un tout autre contexte, américain (celui, majoritairement, des années 1920-1930 : de l’entre-deux-guerres et de la crise économique de 1929), ce sont les mêmes termes qu’il utilise, pour formuler le constat qui servira de point de départ à ses analyses politiques : la crise de la légitimité de la démocratie, et plus précisément le décalage (lag) entre ce que ce régime politique doit être formellement (quant aux principes sur lesquels il repose), et la manière dont il est matériellement vécu et mis en pratique, à cette époque, par les individus (soit : une participation démocratique des citoyens en baisse, voire inexistante, contrairement à ce que laissent supposer, en trompe-l’œil seulement,