Après Perec, Boltanski (Christophe)
Christophe Boltanski est un fils de famille. On le sait : son premier « roman », La Cache, était consacré à une espèce de généalogie en chambre des siens, les Boltanski, dont on connaissait déjà Luc, le père sociologue, et l’oncle Christian, plasticien-star, mais où l’on découvrait surtout une incroyable galerie de personnages, en particulier les grands-parents Myriam et Etienne. La formidable puissance d’évocation de cette histoire d’une tribu un peu foutraque de rescapés de la grande Histoire avait frappé critiques et lecteurs, et valu à l’auteur, par ailleurs journaliste-reporter reconnu puis rédacteur en chef de la revue XXI, le prix Femina 2015. Trois ans plus tard, Le Guetteur poursuit d’une autre façon un travail (auto)biographique singulier, que l’on aurait trop vite fait de réduire à une sorte de chronique haute en couleur d’une famille hors-normes. Il y a en effet dans Le Guetteur quelque chose qui a à voir, de façon assez saisissante, avec le meilleur de la littérature, ou même ce que certains tentent de définir comme une « post-littérature » – si du moins celle-ci peut s’écrire encore (on l’espère) dans l’espace… d’un livre.

Le Guetteur est en tout cas, pour Christophe Boltanski, le livre de la mère : un portrait, une vie, un mystère. Le dispositif mis en place se révèle au fond assez simple, qui fait alterner, d’un chapitre à l’autre, l’histoire d’une jeune Parisienne au moment de la guerre d’Algérie, dont les rêves d’émancipation passent par le soutien clandestin au FLN, et le récit des dernières années d’une femme qui a glissé vers une étrange solitude, où se mêlent une forme de délire de persécution et l’obstination plus profonde, plus opaque aussi, à être soi, cigarette après cigarette. Bien sûr, ces deux êtres sont une seule et même personne, l’une expliquant sans doute l’autre : une mère plutôt distante, dont le narrateur essaie au fil d’une véritable enquête de découvrir l’identité toujours fuyante. C’est là la force inédite de ce livre : nous r