L’ambivalence de Clint Eastwood – à propos de The Mule
Sorti en décembre aux États–Unis et fin janvier en France, le dernier film de Clint Eastwood est, comme la plupart de ceux de son auteur, un succès mondial. On n’avait pas vu l’acteur à l’écran depuis 2012 (Trouble with the curve, de Robert Lorenz, où il jouait le rôle d’un vieil agent de joueurs de base-ball en train de perdre la vue).
Sa précédente apparition dans un film dont il était le metteur en scène remonte à une dizaine d’années : Gran Torino était déjà centré sur le personnage d’un vieil homme, ancien combattant de la guerre de Corée aux prises avec un gang d’immigrés Hmong. Le scénario associait de manière habile le thème du vieillissement masculin, présent depuis longtemps dans le travail d’Eastwood, et une description distanciée de l’état de la société états-unienne, particulièrement sous le rapport des relations ethniques. Le scénariste de Gran Torino, Nick Schenk, est le même que celui de la Mule, et les deux films présentent de nombreuses similarités.
Eastwood revient ici sur le thème du déclin du mâle états-unien, à travers le retour plutôt attendri sur ses limites et le dénouement en forme de rédemption. Le film fait suite à une trilogie du cinéaste consacrée à l’éloge de ce qu’on pourrait appeler la « manière américaine de servir dans des conditions extrêmes», dans l’armée envoyée en Irak (American Sniper), dans l’aviation civile (Sully) ou comme simple passager du Thalys (15h17 pour Paris) : ces films témoignent d’une vraie frénésie de tournage, et d’un patriotisme sincère, mais seraient difficilement reconnus comme des contributions significatives à l’histoire du cinéma.
En va-t-il différemment avec The Mule ? Le film s’inspire très directement d’un fait divers rapporté dans un article du New York Times Magazine : un horticulteur nonagénaire, ancien combattant de Corée vivant dans le Michigan, avait été arrêté alors qu’il convoyait pour le cartel de Sinaloa de la drogue dans son camion. Le scénario reprend l’histoire assez précisémen