Art Contemporain

L’éloquence du peuple – à propos d’une exposition de Florence Lazar

Critique d'art

On avait l’impression de ne voir l’œuvre de Florence Lazar que trop peu ou sporadiquement dans les festivals de films ou lors de projections en Centres d’art. La chose est réparée : le Jeu de Paume lui consacre une exposition personnelle qui met en dialogue ses pièces cinématographiques et photographiques. Si elles peuvent naturellement se voir affublées du qualificatif de documentaire, c’est qu’elles s’attachent, via un dispositif dénudé de tout artifice, à percer la surface du visible et à faire remonter des pans d’histoires minorisées.

« Il ne faut pas dire que le chlordécone est cancérigène » sermonnait récemment Emmanuel Macron lors du grand débat national organisé avec les maires d’Outre-Mer, soulevant un tollé chez les élus, la communauté scientifique et tous ceux qui se battent depuis des années contre ce fléau sanitaire, causé par l’introduction dudit insecticide dans l’agriculture antillaise entre 1972 et 1993, contaminant les terres à très long terme. Depuis son utilisation on recense de nombreux cancers de la prostate (il est un fort perturbateur endocrinien) et il n’est encore de solution d’inversion du processus de destruction qui n’ait été trouvée.

C’est à une agricultrice martiniquaise en lutte que Florence Lazar, dans son dernier film, choisit de donner la parole. Caméra à l’épaule, elle la suit qui s’enfonce dans un champ de « 125 hectares » (comme s’y attarde le titre du film), machette en main qui découpe d’un geste précis et bref dans les larges et hautes feuilles, le dachine (un tubercule). On l’écoute : « un matin du 18 juin, je me souviens, 1983 (…) nous avons décidé d’inverser le cours des choses.  (…) Nous étions douze agriculteurs et, ce jour-là, on est rentrés sur cette terre, et nous avons commencé à couper avec un coutelas, les gens nous ont pris pour des dérangés (…) surtout que le propriétaire n’était pas quelqu’un de facile, quelqu’un de difficile plutôt, genre « shérif ».

S’ils pénètrent dans le champ ce n’est pas pour contester son droit de propriété, mais s’octroyer le droit de le cultiver en harmonie avec l’environnement de l’île et des besoins en nourriture de ses habitants. Cette occupation vise à soutenir la petite paysannerie, qui, cantonnée habituellement aux parcelles enclavées, est empêchée de s’étendre. Elle s’oppose, plus globalement, aux multinationales et à leur système de monocultures, qui recouvre de bananiers 80% des terres agricoles. La banane d’ailleurs, si l’on remonte le fil de sa marchandisation, depuis la Nouvelle Guinée jusqu’à l’Afrique, fla


Mathilde Villeneuve

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