Littérature

Ivre de pluie et d’ennui – à propos de Dans la joie et la bonne humeur de Nicole Flattery

Philosophe

Loin des récits épiques de l’émancipation, Nicole Flattery restitue avec Dans la joie et la bonne humeur, un inévitable de la condition féminine et humaine. Subtiles, les nouvelles réunies dans ce premier livre dévoilent l’intimité de femmes toujours déjà au bord de la rupture, pour y faire jaillir ce qu’il reste, chaque fois : les mots. Dans la courbure de ces dos voûtés de femmes, le rire l’emporte sur la résignation. On rit beaucoup, en effet, moins contre elles qu’associé à leurs déboires, de ces tempêtes dans un verre d’eau, de ces drames banals des illusions perdues.

Quand l’un de nos plus célèbres écrivains français s’est offert la possibilité de l’île qu’est l’Irlande en s’y installant, il a ravivé, sans le vouloir, le charme discret que cette dernière exerce sur notre imaginaire littéraire. Certes, l’Irlande, simili paradis fiscal, est récemment devenue le porte-avions des GAFA en Europe et s’est imposée comme une place financière mondiale et elle est ainsi, depuis trente ans, un pays comme les autres. Les artères modernes et sans identités ont fleuri à Dublin, comme à Paris ou à Rome. Mais il reste évident, et ce bien que James Joyce n’y vive plus – et ce n’est pas faute de mécaniquement l’invoquer dès qu’il est question de l’Éire – qu’on n’y désespère pas tout à fait comme ailleurs.

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Nombre d’auteurs irlandais semblent partager en effet une forme de fantaisie et surtout, un ton satirique volontiers acerbe – qu’on retrouve chez notre fameux exilé. Qu’est-ce qui confère son efficacité à l’ironie et au sarcasme irlandais ? Le mystère reste entier, alors que Nicole Flattery impose sa modernité à une tradition séculaire et rappelle avec talent que les écrivains de son pays n’ont rien perdu de leur superbe. Les huit nouvelles qui composent Dans la joie et la bonne humeur mettent en scène des femmes farouchement banales, adolescentes, étudiantes ou trentenaires, qui se laissent abuser et désabuser par leurs amis et amants, par leurs parcours professionnels médiocres et insatisfaisants.

Mais Nicole Flattery leur prête son intelligence acérée et sa percutante lucidité. Alors que ses personnages naviguent entre errance et désamour, elle ne les laisse en effet jamais céder à la facilité du désespoir. « Et parfois il me frappait, plus ou moins, quand je dormais. Même si je faisais semblant de dormir, j’avoue, ce qui n’était pas très honnête de ma part non plus. »

Des études de théâtre et de cinéma, un master de creative writing au Trinity College de Dublin. Des petits boulots. Une déception professionnelle aux États-Unis, un


Sophie Benard

Philosophe, doctorante à l'Université de Picardie Jules Verne

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