Poésie

Y aura-t-il de la poésie à Noël ? – à propos de Jacques Barbaut, Pierre Mabille et Charles Pennequin

Critique

Le titre est pris d’un vieux film qui fut jeune : Y aura-t-il de la neige à Noël ? où le flocon était à la fois promesse et mirage de réconciliation. Ici c’est pareil : oui, la poésie abonde en décembre éditorial ; non, elle ne guérit de rien. Trois écrivains creusent le trou du verbe et de ses manques jusqu’à ce que, comme chez Hölderlin, « l’absence du dieu leur vienne en aide ». L’un se fait poisson, le second « put » et le troisième annule les dictionnaires.

Prolongements : dans C’est du propre. Traité d’onomastique amusante de Jacques Barbaut (éditions Nous) il n’y a rien sur les motifs ayant poussé un peuple à élire un type dont le nom est un mot-valise pour « sarcome de Kaposi » (une tumeur due à un herpèsvirus). Rien non plus sur les raisons pour lesquelles Édouard Louis a choisi de prendre pour pseudonyme un cousin putatif d’Émile Louis, le tueur pédophile. Encore moins que rien sur le fait que Loret est le masculin de « lorette » (demi-mondaine), le nom d’un graphomane du XVIIe siècle qui rédigeait seul sa Gazette de A à Z, ainsi que le début et le conditionnel des choses (« l’orée », « l’aurait »), mais sans leur réalisation.

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En revanche, il y a quelques éléments sur Lorette Nobécourt qui décida de retourner à Laurence, son prénom de naissance, sur le passage d’Eddy Bellegueule à Édouard Louis comme, selon les mots du jeune écrivain, une mue « au sens herpétologique » (tiens, tiens…) et enfin des jeux et ris sur le nom de Barbaut, dont un calligramme, «  AutopoRtrAit en bARbAut », qui a la particularité de ne contenir aucune des lettres du nom Barbaut, mais de ressembler, certes, à un barbeau.

Prolongements, disons-nous, car C’est du propre donne, comme son titre l’indique, à réfléchir sur la nature des noms propres. Difficile ainsi pour le.la lecteur.ice de ne pas penser au sien et de ne pas se demander ce qu’il ou elle pourrait en faire. Une des issues les plus simples est « l’aptonymie », qui poussa jadis Mitterrand à placer ses ministres selon l’aptitude que contenait leur nom : Delors aux Finances, Cresson à l’Agriculture et Le Pensec à la Mer.

On peut aussi devenir une phrase, exercice auquel chacun s’est déjà livré : « Nicolas boit l’eau, les Frères griment » et « Nathalie, ça rote », tandis que « Carla brunit »,… Sans parler des gens infoutus de prononcer correctement votre nom. Ainsi Heinrich Heine raconte-t-il que les Parisiens, allergiques aux diphtongues et au h aspiré, l’appellent « M. Enr


Éric Loret

Critique, Journaliste

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