Voyage autour de sa chambre – sur 45 tours de confinement de Bertrand Loutte
Un vieil adage potache observait que « la culture, c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale », ce à quoi il m’arrivait de rétorquer « non ! La culture, c’est comme un parachute, quand on n’en a pas, on s’écrase ». La culture, Bertrand Loutte en possède à revendre, ou plutôt à partager, pour choisir un terme plus évocateur de son éthique. Et contrairement à l’adage des cours de récré seventies, plus il en a, plus il l’étale en de généreuses tartines offertes à ses lecteurs, comme le prouve son excellentissime 45 tours de confinement publié chez Chicmédias Éditions/Section 26. Mais avant d’emprunter ces tours et détours d’assignation à résidence pop, faisons les présentations de l’auteur et de la genèse de son projet.
Bertrand Loutte a connu plusieurs vies. Pigiste cinéma aux Inrockuptibles dans les années 90-2000 (où j’ai eu le bonheur de faire sa connaissance professionnelle et amicale, de relire et éditer ses critiques minutieusement ouvragées, bref, avec lui, autant dire que j’étais au chômage technique), sélectionneur du festival Entrevues de Belfort (haut lieu de la cinéphilie de pointe), il est aussi depuis quelques décennies journaliste-reporter-image (les fameux JRI) pour la respectable maison Arte, section culture (la confiture, on y revient…). Voilà pour sa vie « publique ».
Côté vie de l’ombre, Bertrand Loutte est un cinéphile-bibliophile-popindéphile de haut rang, d’une érudition à filer des complexes à n’importe quel ministre de la confiture (il est vrai que ce n’est guère difficile quand certains d’entre eux ne sont pas capables de citer un seul titre de Patrick Modiano), et d’une exigence de goût à faire passer les Beatles pour un simple sous-produit du capitalisme.
On pourrait aisément qualifier Loutte de dandy si notre homme n’était pas totalement étranger à certains penchants désagréables du dandysme : le snobisme, le sentiment de supériorité hautain. Rien de tel chez Bertrand Loutte, un esthète dont le bon goût va jusqu’à