Art

Une histoire d’invisibilisation – sur l’exposition Elles font l’abstraction

Historienne de l'art

L’exposition Elles font l’abstraction, présentée au Centre Pompidou, embrasse plus de 100 artistes et 500 œuvres au cadre chronologique élargi et entend mettre la lumière sur la présence continue des femmes dans l’histoire de l’art abstrait. La démarche est incontestablement louable, ce qui n’empêche pas d’interroger les choix curatoriaux envisagés et leurs limites.

Outre le fait que sa présentation au public coïncide avec le déconfinement généralisé de la culture, l’exposition Elles font l’abstraction au Centre Pompidou est réjouissante à plus d’un titre : non seulement elle met en lumière la présence constante des artistes femmes dans l’histoire de l’art abstrait, alors que les récits attenants demeurent dominés par les figures masculines, mais elle inclut dans son corpus et son parcours des pratiques qui relèvent autant de la peinture et de la sculpture que de la photographie, la danse, le cinéma, les arts textiles, etc.

Cette ouverture est également géographique, puisqu’aux côtés des artistes européennes et nord-américaines sont présentées des artistes du Brésil (telles que Lygia Clark et Lygia Pape), du Japon (Atsuko Tanaka), de Corée (Wook-kyung Choi), ou encore d’Inde (Arpita Singh), etc.

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En termes de chronologie, le spectre est tout aussi large : l’exposition commence par présenter les œuvres de la seconde moitié du 19e siècle de la Britannique Georgiana Houghton – qui appartiennent donc à la préhistoire de l’art abstrait – et se termine dans les années 1980. La manifestation se présente ainsi comme exemplaire dans un contexte où il est bienvenu de remettre en question des réflexes historiographiques longtemps plus exclusifs qu’inclusifs.

Elles font l’abstraction s’inscrit ainsi manifestement – ne serait-ce qu’à travers son titre – à la suite de l’exposition Elles@centrepompidou qui, entre 2009 et 2011, présentait un parcours dans les collections permanentes du musée entièrement consacré aux artistes femmes[1].

À l’issue de cette exposition pionnière et polémique, qui réunissait 150 artistes et 350 œuvres « toutes disciplines confondues » et « de toutes les nationalités[2] », la commissaire et conservatrice Camille Morineau fondait l’association AWARE (Archives of Women Artists, Research and Exhibitions), œuvrant depuis à une meilleure (re)connaissance des artistes femmes du XXe siècle : grâce à son site inter


[1] En 2010, le Museum of Modern Art à New York publiait à son tour Modern Women Artists at the Museum of Modern Art, un imposant catalogue accompagnant une série d’expositions mettant en avant les œuvres des artistes femmes présentes dans les collections du MoMA. L’une d’elle était intitulée « Mind and Matter. Alternative Abstractions, 1940s to Now ».

[2] Voir le site internet du Centre Pompidou présentant l’exposition Elles@centrepompidou.

[3] Voir le site internet du Centre Pompidou présentant l’exposition Elles@centrepompidou.

[4] Anni Albers, Louise Bourgeois, Judy Chicago, Lygia Clark, Sonia Delaunay-Terk, Alexandra Exter, Helen Frankenthaler, Natalia Gontcharova, Mary Heilmann, Barbara Hepworth, Eva Hesse, Shirley Jaffe, Hilma af Klint, Katarzyna Kobro, Lee Krasner, Verena Loewensberg, Agnes Martin, Joan Mitchell, Vera Molnar, Tania Mouraud, Elizabeth Murray, Aurélie Nemours, Judit Reigl, Bridget Riley, Dorothea Rockburne, Olga Rozanova, Varvara Stepanova, Jessica Stockholder, Sophie Tauber-Arp, Maria Helena Vieira da Silva, etc.

[5] Voir l’introduction du fascicule en français distribué à l’entrée de l’exposition.

[6] Sur ce point, je me permets de renvoyer à mon ouvrage La Crise de l’art abstrait ? Récits et critique en France et aux États-Unis dans les années 1980, Presses universitaires de Rennes, 2013, et plus spécifiquement au développement sur « La (re)découverte des avant-gardes russes », p. 169-183.

[7] Voir, en français, le catalogue de l’exposition Pattern, Crime & Decoration du Consortium de Djion, édité aux Presses du réel en 2019.

Hélène Trespeuch

Historienne de l'art, Maître de conférences à l’Université Paul-Valéry – Montpellier 3

Notes

[1] En 2010, le Museum of Modern Art à New York publiait à son tour Modern Women Artists at the Museum of Modern Art, un imposant catalogue accompagnant une série d’expositions mettant en avant les œuvres des artistes femmes présentes dans les collections du MoMA. L’une d’elle était intitulée « Mind and Matter. Alternative Abstractions, 1940s to Now ».

[2] Voir le site internet du Centre Pompidou présentant l’exposition Elles@centrepompidou.

[3] Voir le site internet du Centre Pompidou présentant l’exposition Elles@centrepompidou.

[4] Anni Albers, Louise Bourgeois, Judy Chicago, Lygia Clark, Sonia Delaunay-Terk, Alexandra Exter, Helen Frankenthaler, Natalia Gontcharova, Mary Heilmann, Barbara Hepworth, Eva Hesse, Shirley Jaffe, Hilma af Klint, Katarzyna Kobro, Lee Krasner, Verena Loewensberg, Agnes Martin, Joan Mitchell, Vera Molnar, Tania Mouraud, Elizabeth Murray, Aurélie Nemours, Judit Reigl, Bridget Riley, Dorothea Rockburne, Olga Rozanova, Varvara Stepanova, Jessica Stockholder, Sophie Tauber-Arp, Maria Helena Vieira da Silva, etc.

[5] Voir l’introduction du fascicule en français distribué à l’entrée de l’exposition.

[6] Sur ce point, je me permets de renvoyer à mon ouvrage La Crise de l’art abstrait ? Récits et critique en France et aux États-Unis dans les années 1980, Presses universitaires de Rennes, 2013, et plus spécifiquement au développement sur « La (re)découverte des avant-gardes russes », p. 169-183.

[7] Voir, en français, le catalogue de l’exposition Pattern, Crime & Decoration du Consortium de Djion, édité aux Presses du réel en 2019.