De l’« islamo-gauchisme » au « socialisme des imbéciles »

L’affaire de l’islamo-gauchisme s’installe tranquillement dans le débat public, après la « crise Vidal » du mois de février, et son affaire dans l’affaire, le soi-disant pourrissement de la recherche universitaire par l’engagement politique de certains chercheurs. Le « Tract » de Mme Heinich, Ce que le militantisme fait à la recherche, publié par Gallimard en mai avec une large couverture de presse, signe son installation durable sur la scène médiatique : ce n’était pas une de ces foucades macronistes.
C’est la première victoire de ses instigateurs : un faux débat s’institue comme LA question majeure de la société. Non, ce n’est pas la Covid, ni la crise sociale, ni la détresse des étudiants et des jeunes, ni le climat, ni même le poumon, vous dis-je, mais la « gangrène de l’islamo-gauchisme » et ses métastases : les études de genre, du racisme, l’intersectionnalité… Toutes erreurs instillées par des envahisseurs sournois. Ils sont partout : eh non ! pas les Juifs, ni (c’est tout aussi étonnant) Bruxelles, mais les Anglo-Saxons.
Les instigateurs
Difficile d’identifier le « groupe des instigateurs ». Dans une plongée archéologique se limitant aux années dix (je veux dire 2010 : il faut bien préciser le siècle, le regretté Zeev Sternhell serait remonté beaucoup plus haut…), Le Monde du 15 mars 2021 identifie un groupe obscur, « Vigilance Université ». L’offensive se précise avec l’attaque du ministre de l’Éducation nationale, M. Blanquer, le 22 octobre 2020, contre la montée de l’islamo-gauchisme dans l’Université. Encore ne s’en prend-il qu’aux étudiants de l’UNEF et de La France Insoumise.
L’affaire ne devient sérieuse que lorsqu’un groupe de « grands intellectuels » (Gilles Kepel, Pierre Nora, Pierre-André Taguieff) publie une tribune dans Le Monde du 31 octobre 2020, appelant ouvertement l’exécutif à la répression de leurs collègues : « Nous demandons donc à la ministre de mettre en place des mesures de détection des dérives islamistes, de prendre claire