Avignon

L’âme d’Angélica Liddell n’est pas faite pour les lâches – sur L’odeur du sang ne me quitte pas des yeux

Critique

Désirer suffisamment la mort pour la terrasser. Au Festival d’Avignon, Angélica Liddell regarde l’abîme en face et force les spectateurs à affronter le vide, un puits ontologique au fond duquel une eau croupie renvoie notre reflet. Sensation vertigineuse d’inconfort. Ses mots attaquent, blessent, mais viennent étrangement panser nos plaies souterraines.

Qui est donc le sévillan Juan Belmonte, ce matador, bègue, bossu, cagneux et prognate, qui révolutionne l’art très codé et séculaire de la corrida ? Il est, pour les espagnols et tous les amateurs taurins, un homme demi-dieu car au lieu de reculer devant la charge du taureau à l’instar de ses contemporains, Juan Belmonte est le premier à attendre immobile devant la bête puis à enchaîner les passes et à inventer des manoeuvres. La légende raconte qu’il se tire une balle dans la tête en 1962, malade d’amour et réduit à une impossibilité de toréer.

Cette figure tutélaire que choisi Angélica Liddell pour veiller sur sa nouvelle création dit tout de ses intentions. Elle sera la matador, celle qui vient avec crainte et panache affronter les ires et les enthousiasmes du monstre à mille têtes que peut être un public avignonnais. Elle s’offre, armée de ses mots et de ses crachats et dépose sa propre légende sur le sable de l’arène.

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« Mettre à nu certaines obsessions d’ordre sentimental ou sexuel, confesser publiquement certaines des déficiences ou des lâchetés qui lui font le plus honte, tel fut pour l’auteur le moyen d’introduire ne fût-ce que l’ombre d’une corne de taureau dans une œuvre littéraire. » ; si Michel Leiris ici dans L’Âge d’homme, avait fait de la corrida une ambition littéraire, Angélica Liddell s’empare du cérémoniel pour faire théâtre. Rivée par sa peur de déchoir, la femme seule embrasse un taureau de pacotille, comme pour assumer la théâtralité de son geste.

Le théâtre est l’art du faux, et quand il est agissant, quand les muses daignent lui octroyer sa puissance, la scène devient l’écrin de la vérité. Mais la vérité a un poids, elle fige, elle enferme dans un sens unique, le faux permet de libérer le spectateur qui n’est pas otage de ce qu’il voit. Angélica torré le faux pour accoucher du vrai comme elle appelle la mort car son désir de vivre est infini.

Dans ce troisième opus de « l’histoire(s) du théâtre », initié par le metteur en scène suis


Marie Sorbier

Critique

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Festival d'Avigon