Littérature

La chute de l’homme ordinaire – sur Encore une journée divine de Denis Michelis

Philosophe

Avec ce quatrième roman construit comme un thriller psychologique, Denis Michelis cultive tant l’attirance que le dégoût pour un personnage principal confronté à l’absurdité du monde. Encore une journée divine dépeint un renversement : Robert, psychologue, se retrouve interné en hôpital psychiatrique. Le lecteur le suit alors dans ses élucubrations, lui qui de psychologue respecté se prend à se rêver gourou pour échapper à l’effondrement qui le guette autant que ses contemporains.

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« Et pour répondre à votre question, sachez, Docteur, que je me porte comme un charme. Avec un temps pareil, le contraire eût été surprenant, il n’est pas de mélancolie ni de tristesse quand le soleil brille, que les oiseaux chantent et que l’air vibre sous la chaleur. »

Nous sommes au chevet de Robert. Robert est psychologue ; il a réussi sa vie, puisqu’il la gagne bien. Il a soigné des centaines de patients, écrit des dizaines d’ouvrages théoriques. Et puis tout a basculé.

Robert est maintenant interné à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Marthe, où il croit – évidemment – faire « figure d’exception ». Et son implacable verve de se déverser sur le Docteur qui lui rend visite tous les jours – tous les jours accompagné de Madame l’Infirmière. De ces deux personnages nous saurons très peu : les seuls mots de Robert donnent au roman sa matière. D’abord intriguant –ah, l’efficacité de la belle langue ! – Robert devient vite inquiétant, alors qu’il se révèle peu à peu être tout le contraire de ce qu’il dit être. Manipulateur, il tente de jouer sa dernière carte, celle du langage, pour échapper à l’effondrement qui le guette.

Le quatrième roman de Denis Michelis est aussi lucide et grinçant que ses précédents. Alors qu’il consacrait La chance que tu as (Stock, 2014) et Le bon fils (Notabilia, 2016) aux tourments de l’adolescence aux prises avec les études, le monde du travail et la famille, État d’ivresse (Notabilia, 2019) sondait la conscience tourmentée et malhonnête d’une mère célibataire engoncée dans un alcoolisme incontrôlable. Ses précédents romans font apparaître sans peine ce qui travaille son écriture. Les personnages de Denis Michelis ne sont jamais coupables, jamais tout à fait irréprochables non plus – toujours vrais, en revanche – et se trouvent confrontés à un monde dont la dureté les dépasse et dont l’absurdité les chavire.

Robert, comme ses prédécesseurs, n’est pas une victime innocente. Loin de là. Certes, la pensée est lente et laborieuse, ta


Sophie Benard

Philosophe, doctorante à l'Université de Picardie Jules Verne

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