Michel Vinaver et le bel aujourd’hui
Ce dimanche, j’ai écrit : « Aujourd’hui, 1er mai, c’est la fête du Travail et c’est aujourd’hui que Michel Vinaver est mort. »
Et il n’aurait pas pu en être autrement (comme pour Charlie Chaplin disparaissant le jour de Noël ou Léo Ferré le 14 juillet) puisque le « monde du travail » était la scène même de pratiquement tout son théâtre, celui des standardistes de service après-vente, des femmes de chambre, des huissiers, des chefs comptables, des manutentionnaires, des directeurs du personnel, des responsables marketing, des hôtesses de l’air, des soldats, des coiffeurs pour dames, des commerciaux, des représentants syndicaux, des petits commerçants, des cadres du World Trade Center, des ministres, des journalistes, des managers, des créatifs, des ouvrières, des productrices d’émissions, des chevaliers d’industrie – et même des chômeurs. Ce thème, qui lui valut d’incarner une sorte de rapsode des Trente glorieuses, lui a été notoirement accessible par sa carrière à la direction de l’entreprise Gillette menée parallèlement à son activité d’écrivain partiellement clandestine.

Aussi constitutif qu’il soit, le travail était surtout pour Vinaver le meilleur accès au présent, cet aujourd’hui, qui était le véritable objet de son écriture. Aujourd’hui, c’est d’abord le titre qu’il avait choisi de donner à sa première pièce en 1955. Mais le Théâtre populaire d’alors, personnifié par Roger Planchon, choisit de la rebaptiser Les Coréens pour la créer comme une pièce d’actualité. Ce déplacement de la pièce, qui se vit désigner de force son sujet, fut un malentendu fondateur, qui, à des degrés divers, poursuivra toujours les œuvres de Vinaver jusqu’à la dernière, Bettencourt Boulevard (2014), dans laquelle, faute de trouver la « pièce-dossier » qu’elle n’est pas, on s’est rattrapé malaisément aux perches d’une apparente satire politique forcément frustrante – alors que son sous-titre, une histoire de France, invitait bien à observer derrière cet aujourd’hui le mouvem