Cinéma

Gloire à un nouvel art pompier ! – sur Feu Follet de Joao Pedro Rodrigues

Critique

En dépit de sa brièveté, Feu Follet l’enthousiasmant nouveau film de Joao Pedro Rodrigues est bien plus que la simple « fantaisie musicale » annoncée au générique. Suivant le destin d’un prince devenu pompier, c’est un conte d’amour et de désir, scandé de refrains écologiques et conscient d’un héritage historique qu’il sait regarder en face. Pour mieux construire sa propre utopie.

Le calendrier des sorties cinématographiques réserve parfois d’étonnantes collisions avec l’actualité. Feu Follet, l’inclassable et enthousiasmant nouveau film de Joao Pedro Rodrigues, évoque ainsi aussi bien l’anxiété climatique, qu’il nous fait éprouver une surprenante empathie pour une figure de la royauté.

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Double écho involontaire avec les évènements de cet été et de ces derniers jours, d’autant plus surprenant que Joao Pedro Rodrigues n’est pas le genre de cinéaste à courir derrière l’époque. Il la précèderait même avec cette fable où l’élan amoureux, la conscience écologique et le désir d’enfin solder les vieux comptes de l’histoire coloniale se stimulent réciproquement : Alfredo, héritier de la couronne du Portugal, bouleversé par les incendies de forêt qui frappent son pays (le Portugal avait déjà connu un été catastrophique en 2017) se choisit un destin « à la Greta Thunberg » en s’engageant comme pompier volontaire.

Renonçant aux avantages de son rang, servant à la base de l’échelle (à tous les sens du terme), il vit une passion avec Alfonso, jeune instructeur noir. Evoquée surtout en danses et en chansons, leur brève histoire d’amour, transcendant toutes les barrières sociales, aura des incidences sur le destin du pays.

Le film commence par la fin. En 2069, Alfredo n’est plus qu’un gisant sans couronne. La licence poétique déborde sur l’historique et le politique, puisqu’il n’y a plus de monarchie lusitanienne depuis 1910. La date de 2069 ne peut être qu’un clin d’œil à l’année érotique. La libération sexuelle, c’était déjà il y a un siècle. D’autres combats sont à mener, et la jouissance pourra aider à faire tomber de nouveaux murs. En cela, l’esprit « soixante-neuvard » de Feu Follet modèle une utopie, née de l’entrelacs joyeux et fécond du désir et du politique.

Joao Pedro Rodrigues avait surgi sur la scène cinéphile en 2000 avec O Fantasma (qui se traduit aussi bien par « fantasme » et « fantôme »), film qui ne s’effarouchait ni de représent


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