Cinéma

Éloge de la tempérance – sur Un Beau matin de Mia Hansen-Love

Journaliste

Une femme quadra s’occupe de son père atteint de dégénérescence. C’est Un Beau matin, où Mia Hansen-Love poursuit son œuvre intimiste et autobiographique dans le style qui signe son empreinte et sa cohérence artistique : limpide, tempéré, sobre, précis et juste. Un cinéma ligne claire, peut-être hérité d’Ozu, où même la noirceur est lumineuse.

Les rayons de la bibliothèque de ce petit appartement parisien sont emplis de livres, souvent d’auteurs germaniques, romanciers ou philosophes : Thomas Mann, Kant, Adorno… Pourtant, l’occupant des lieux ne peut plus lire, à peine voir, incapable des gestes quotidiens les plus anodins : retrouver ses clés, ouvrir sa porte d’entrée, se nourrir… Cet homme vieillissant mais pas encore complètement vieux (sa mère est encore de ce monde avec toute sa tête à plus de 90 ans) est Georg Kinsler, un professeur de philo d’origine viennoise. Il est atteint d’une maladie dégénérative qui trouble sa vision et met en vrac ses fonctions cognitives de base.

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C’est la double peine, déchirante : non seulement Georg est atteint d’un mal sans espoir de rémission, mais il est « puni » là où ça lui fait le plus mal : l’intellect, la capacité de lire et de penser. Dans cette nuit du vieillissement et de la maladie, ses seuls rayons de soleil sont sa dernière compagne Leila (qui ne vit pas avec lui), et sa fille Sandra, qui s’occupe de lui régulièrement, avec une patience et une douceur infinies. Georg étant dépendant, la situation ne peut plus durer, il faut trouver une autre solution et le sombre acronyme terminal se profile : E.H.P.A.D.

Parallèlement à ce chemin vers la fin de vie, Sandra, qui élève sa fillette seule, rencontre par hasard Clément, un ami de son défunt mari. Entre eux s’ébauche le balancier vers la vitalité.

Mia Hansen-Love poursuit ici un travail teinté d’autobiographie qui est l’un des signes de la cohérence de son œuvre. Après ses premières amours (Un Amour de jeunesse), la vie tourmentée de son frère DJ des années techno (Eden), le portrait de sa mère au moment où elle quitte son père (L’Avenir), un regard sur son couple adulte et sa cinéphilie (Bergman’s island), la cinéaste se consacre ici aux années vermeilles de son père et à sa vie intime de femme quadragénaire séparée du père de ses enfants.

Claude Chabrol disait qu’il n’y avait pas de petits sujets pour


Serge Kaganski

Journaliste, Critique de cinéma

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