Livret de famille – sur Une archive de Mathieu Lindon
Depuis un certain nombre de livres, Mathieu Lindon écrit quelque chose comme une suite, posthume et terriblement vivante, dédiée à ses proches disparus : Michel Foucault, dans Ce qu’aimer veut dire, Hervé Guibert dans Hervelino, son père Jérôme aujourd’hui dans Une archive.

Ce qu’on pourrait appeler ainsi une série – de portraits, de tombeaux – ne se détache pas pour autant du reste de l’œuvre, laquelle est d’une cohérence particulière, du fait d’abord d’un esprit original, d’une subtilité d’analyse assez phénoménale, portée par la singularité d’un style qui oscille volontiers entre circonvolutions proustiennes et ligne claire à la Hergé (Mathieu Lindon est un fou de Tintin).
Peut-être alors peut-on commencer par-là : le goût de la méandre (parfois jusqu’à la quasi-obscurité) et du court-circuit qui emprunte volontiers à l’oralité, l’association des deux fondant une écriture que l’on trouvera simplement formidable, dans son tempo particulier, ses détours et ses accourcis… Mathieu Lindon explique justement dans Une archive qu’il aime la vitesse, goût dont il a hérité de son père :
« Comme il y avait le pouvoir pour le pouvoir, il y avait la vitesse pour la vitesse qui m’est familière, j’adore faire les choses vite, les avoir terminées, quitte à me retrouver dépourvu la tâche accomplie. Ça me plaît quand je suis forcé d’écrire à toute vitesse un article pour le journal, parce qu’il y a un événement d’actualité, parce qu’un auteur est mort, et alors ma rapidité sert à tout le monde. Pour l’écriture à proprement parler aussi, je suis rapide, au point que quand je ne le suis pas, c’est un indice que ça ne va pas, que je m’égare, que je suis sur une mauvaise piste. Mais les mauvaises pistes sont les plus tentantes, celles qui ne sont pas des pistes, où personne n’a encore mis les pieds, où je me sens explorateur et où il me faut débroussailler le terrain avant éventuellement de pouvoir y avancer plus rapidement. Et puis, ça me plaît tant, écrire, que la vitesse