Biographie et chasse à l’homme – sur La femme silencieuse de Janet Malcolm
La femme silencieuse, c’est deux livres en un. Le premier, contingent, daté, passe en revue les cinq biographies de Sylvia Plath considérées comme majeures à l’époque de la rédaction de l’ouvrage (le début des années 90). Le second s’impose par son caractère de nécessité. Nécessaire est la « profanation », au sens donné à ce terme par Agamben, à laquelle s’y livre Janet Malcolm, à même le corps sacré de ces génies poétiques que furent Plath et Ted Hughes, son époux pendant sept ans. Une lumière crue autant que révisionniste y est braquée sur les coulisses du métier de journaliste littéraire, mais aussi sur la raison d’être des préjugés qui, nécessairement, font de la biographie une chasse à l’homme dont Janet Malcolm serait une romanesque Diane chasseresse.

Décédée en 2021, Janet Malcolm n’est pas une inconnue en France. Trois de ses précédents ouvrages, dont le célèbre Le Journaliste et l’Assassin, y ont déjà été traduits. La grande dame du journalisme littéraire américain, comme certains l’appelaient (gare aux clichés !), en fut surtout « l’enfant terrible » (autre poncif). Son goût prononcé pour la provocation et la polémique, son franc-parler, ses jugements souvent assassins, se doublaient d’une dramatisation, toujours à bon escient, des enjeux éthiques et intellectuels du travail journalistique, en lien, il faut le souligner, avec une fréquentation assidue des textes théoriques et des archives de Freud. Avec « l’affaire » Plath, l’essayiste trouvait une arène, médiatique autant que psychique, à sa hauteur.
C’était en 1994. À l’époque, trente ans s’étaient écoulés depuis le suicide au gaz de Sylvia Plath par une froide nuit de février. Ted Hughes trônait toujours au panthéon de la poésie anglaise, tout comme il continuait d’administrer comme bon lui semblait, par le truchement de sa sœur, Olwyn Hughes, redoutable gardienne du temple, l’important fonds Plath (poésie, fiction, prose, journaux), celle-ci étant morte intestat.
Après le désastre du suicide,