Littérature

La catastrophe du récit – sur Le Passager et Stella Maris de Cormac McCarthy

Écrivain

Seize ans après le succès de son roman post-apocalyptique La Route, couronné par le prix Pulitzer, Cormac McCarthy revient avec Le Passager et Stella Maris, qu’il publie coup sur coup. Après le récit de la catastrophe, il explore la catastrophe du récit : ces deux romans se lisent comme une aventure formelle, celle du langage de la déstructuration.

Cormac McCarthy est de retour en France. Seize ans après le succès mondial de son roman post apocalyptique La Route, les éditions de l’Olivier publient à deux mois d’intervalle deux nouveaux romans : Le Passager et Stella Maris. Mais qu’est-ce qu’il reste à explorer après l’apocalypse, ou plus exactement, après « l’après apocalypse » ? C’est la question qui est au cœur de ce nouveau roman. Lorsque l’accomplissement historique (le progrès, la technique, la croissance, la science …) a pris un tour destructeur, que reste-t-il au romancier ?

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On rebrousse chemin. On bifurque sur la route de l’accomplissement historique. On cherche d’autres voies que celle de la chronologie. On abandonne l’idée selon laquelle il y aurait un « avant » et un « après » la catastrophe et entre les deux une succession d’épisodes formant un récit cohérent. Après le récit de la catastrophe, Cormac McCarthy explore la catastrophe du récit. Adieu au langage. Crépuscule du récit.

Une image au début du roman : le héros, un plongeur de sauvetage inspecte l’épave engloutie au fond de la mer d’un avion disparu. Un passager manque à l’appel, disparu lui aussi avec la boite noire de l’avion et des instruments de vol. Disparu le passager de l’avion. Disparu des radars l’avion. Disparue la boite noire. Le roman s’ouvre sur le tableau de bord éventré, câbles et jacks arrachés. Disparition et désorientation vont de pair. « À la fin des fins, dit Alicia, il n’y aura plus rien qui ne puisse être simulé. Et ce sera l’ultime abolition des privilèges. Tel est le monde qui vient. Il n’y en aura pas d’autres. »

La composition d’un roman en dit parfois davantage que le résumé de son intrigue ou la bible de ses personnages. C’est le cas du dernier roman de Cormac McCarthy, publié en deux volumes dont la sortie en librairie est séparée par un intervalle de deux mois. Le premier volume, Le Passager, le 3 mars et le second, Stella Maris, sera mis en vente deux mois plus tard, le 5 mai. Pourquoi un tel décalage


Christian Salmon

Écrivain, Ex-chercheur au CRAL (CNRS-EHESS)

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