Littérature

La grande lassitude – sur Les Éclats de Bret Easton Ellis

critique

C’était en 1985, Bret Easton Ellis s’était imposé sur la scène éditoriale américaine et occidentale avec un court récit intitulé Moins que zéro dans lequel il mettait en scène le vide, soit des adolescents californiens désœuvrés, très riches, très égoïstes. Le dernier roman de Bret Easton Ellis revient à cette époque. Le vide a un fort pouvoir d’attraction et de séduction. Mais pourquoi la jeunesse dorée de Californie des années 1980 nous intéresserait-elle encore ?

Une génération, disent les démographes, équivaut à une durée de vingt à vingt-cinq ans. Bret Easton Ellis est né en 1964. En 1985, il avait donc à peine plus de vingt ans quand il s’est imposé sur la scène éditoriale américaine et occidentale avec un court récit intitulé Moins que zéro.

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Le livre a marqué les esprits des journalistes et de nombreux lecteurs parce qu’il mettait en scène le vide, c’est-à-dire des adolescents californiens désœuvrés, très riches, très égoïstes, aux parents évanescents, oscillant entre piscines et jacuzzi, tubes et films, herbe et cocaïne, etc. Mais le vide a un fort pouvoir d’attraction et de séduction. Que celui qui n’a jamais été tenté lève le doigt. Près de deux générations plus tard, que reste-t-il de tant de vacance ?

La question mérite d’être posée parce que le dernier roman de Bret Easton Ellis revient à cette époque, autrement dit, au début des années 1980. Il est écrit à la première personne ; le romancier fait lui-même référence à Moins que zéro et à ses livres suivants ; le jeune narrateur des Éclats est bel et bien en train d’écrire son premier roman – sans réel sujet, dit-il, sinon la torpeur, l’ennui… C’est en tout cas ce qu’il répond à ceux qui lui demandent ce qu’il fait : un scénariste, un amant potentiel, une ex, un producteur… toute la petite faune qui hante les rues d’un Los Angeles aux paillettes passées.

Quarante ans plus tard, nous sommes donc de retour à la case départ. Entre-temps, Bret Easton Ellis a publié d’épais romans miroirs d’une fin de XXe siècle tapageuse, violente, argentée, etc. Il a suscité quelques réactions scandalisées aux États-Unis et beaucoup de fascination chez nous, les Français. Plus récemment il a ravi nos ennemis de la cancel culture parce qu’il a publié un essai appelé White qui se moquait de la victimisation et des excès d’un puritanisme américain caché sous les habits de la défense des minorités. Les Français qui aiment Bret Easton Ellis sont enchantés parce qu’ils le jugent tr


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice

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