Pourquoi l’extrême droite a déjà gagné, de Saint-Brevin au PCF
Quand il s’est exprimé à la tribune du congrès du Parti communiste à Marseille pour fustiger les gouvernements qui avaient « transformé les frontières en passoires », Fabien Roussel savait très bien ce qu’il faisait, en reprenant à son compte une des formules chéries de l’extrême droite.

Invité à clarifier sa position le lendemain lors d’un entretien matinal, il ne s’est d’ailleurs pas privé de réclamer davantage de fermeté dans le contrôle des migrations. Comme tous ses pairs, Fabien Roussel avait sans doute lu les sondages : au moment de clôturer le congrès de son parti, il savait que 48 % des électeurs de gauche estimaient désormais qu’il y avait « trop d’étrangers en France[1] ».
Ce chiffre est en progression de 21 points (!) depuis 2018, et une note récente de la Fondation Jean Jaurès relève, à juste titre, que le clivage gauche-droite sur la question de l’immigration est beaucoup moins marqué qu’il ne l’était auparavant. On aura beau s’indigner de la petite phrase de Fabien Roussel, on aura beau rappeler que les « frontières-passoires » ont fait 441 victimes depuis le début de l’année et plus de 26 000 depuis 2014, le mal est fait : une nouvelle expression de l’extrême droite a été reprise par un responsable politique, de gauche de surcroît.
Que s’est-il passé pour que près la moitié des sympathisants de gauche estiment désormais qu’il y avait trop d’étrangers en France, alors qu’il n’étaient qu’un gros quart il y a cinq ans et que le nombre d’étrangers n’a guère augmenté substantiellement[2] dans l’intervalle ?
L’extrême droite a implanté son vocabulaire et ses cadres de pensée. L’appel d’air, autre concept de l’extrême droite sans aucun fondement scientifique, est repris partout comme justification à une politique migratoire de plus en plus répressive. Le grand remplacement, autre grigri extrémiste, inquiète plus de deux tiers des Français[3].
Tout ceci n’est pas que de la sémantique, et trouve hélas des applications dans la vie réelle. Au nom de l