Cinéma

L’esprit des lieux – sur Le Gang des Bois du Temple de Rabah Ameur-Zaïmeche

Critique

En 2014, une bande de Seine-Saint-Denis braque sur une bretelle d’autoroute le van d’un riche prince arabe. Le fait divers retient l’attention de Rabah Ameur-Zaïmeche, qui en fait le point de départ d’une parabole sur la lutte des classes au temps de la globalisation. Dix ans après Les Chants de Mandrin, le cinéaste renoue également avec la geste des bandits populaires.

Un lent panoramique caresse les façades des immeubles, monolithes d’un blanc immaculé dont l’enchevêtrement dessine comme un crénelage. Le mouvement de caméra s’achève par l’apparition d’un centre-ville historique – toits d’ardoise, flèches de clocher et grues de chantier. Dans le fil du plan, une démarcation s’est fait jour.

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Là-bas est à portée de regard – mais ce n’est pas ici, et cela s’éprouve sans délai à travers l’architecture, les couleurs, les matériaux, l’agencement des constructions, leur ancienneté. D’abord repoussé par les tours, le ciel gagne des proportions plus agréables à l’œil. L’horizon s’ouvre. Et le désir, à l’orée du récit, semble naturellement s’y projeter.

Par son glissement de droite à gauche, inverse à notre sens de lecture, ce plan prend toutefois à rebrousse-poil un tel scénario, si conforme à l’imaginaire français dominant. De la banlieue, il ne s’agira pas de sortir. La mise en scène au contraire s’ancre alors dans un corps, celui de Monsieur Pons (Régis Laroche). Depuis son balcon, il suit la progression d’une ambulance. Celle-ci vient emporter le cadavre de sa mère, morte durant la nuit. Cette entame funèbre déplace encore, d’une façon aussi ferme que discrète, le terrain de la représentation. Le Gang des Bois du Temple ne s’attachera pas à la jeunesse des quartiers populaires, cible et fétiche privilégié des fantasmes nationaux, mais à des hommes mûrs.

Vingt ans après Wesh wesh, qu’est-ce qui se passe ?, son premier long métrage, Rabah Ameur-Zaïmeche revient aux lieux de l’enfance. Dans le dossier de presse, le cinéaste se souvient de ses périples depuis Montfermeil jusqu’à la cité des Bois du Temple, à Clichy, où les tourniquets et les toboggans à deux bosses lui paraissaient des attractions extraordinaires. Sur le chemin, une chapelle commémorait le sauvetage miraculeux de trois pèlerins attaqués par des brigands. Si les noms sont restés, cristallisant une mythologie intime, le paysage lui a changé. Des tours ont été détru


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