Littérature

Vers la mer des ténèbres – sur Le Livre de la Caspienne. Azerbaïdjan de Vassili Golovanov

critique

Malade et angoissé, Vassili Golovanov est mort à 60 ans en 2021. Premier volume de sa vaste entreprise de « géographie totale », Le Livre de la Caspienne. Azerbaïdjan paraît en traduction française alors que la mort plane de nouveau sur le Haut-Karabagh où l’antique querelle opposant Arméniens et Azéris est cruellement ravivée.

Sur les lignes qui suivent plane la mort. Elle plane parce que Vassili Golovanov, écrivain russe né en 1960, a disparu en 2021. Il était malade, il le dit dès la deuxième page de ce Livre de la Caspienne. Azerbaïdjan. Malade, angoissé et désireux, non pas de fuir la réalité mais de « comprendre sans peur ce qui se passe vraiment, construire mon propre jugement », écrit-il.

publicité

Il ne pouvait deviner que le jour où son récit serait publié en France, la mort planerait aussi sur le Haut-Karabagh et que l’antique querelle opposant Arméniens et Azéris serait si cruellement ravivée. Si bien que la lecture de son Livre de la Caspienne revêt une forte dimension didactique, qui n’occulte ni sa beauté ni sa nouveauté. Enfin, le lecteur attentif remarquera que cette traduction est dédiée à celle qui a introduit Vassili Golovanov en France, Hélène Châtelain : grâce lui est rendue par Catherine Perrel, qui a pris son relais et honore sa mémoire.

C’est tout, la grande faucheuse s’arrête ici et elle n’aura pas raison du mouvement qui draine les récits de Golovanov, de ce qu’il appelle avec un humour amer « la jeunesse qui proteste encore en nous ». Car l’écrivain est attiré par ce qui lui est inconnu ou mal connu, ce qui se refuse à la colonisation ou la russification. Avant de s’en aller sur les rives de la mer Caspienne, il avait été sur les rives de la mer de Barents et avait rapporté un Éloge des voyages insensés. Cette fois-ci l’aiguille de sa boussole a été aimantée du côté extrême-est. Le Livre de la Caspienne est une vaste entreprise qui comprend quatre volumes, dont celui-ci, Azerbaïdjan, est le premier. Suivront Daghestan, Kazakhstan et Iran.

Vassili Golovanov fait remonter sa curiosité pour l’Asie centrale alors que celle-ci s’était séparée de la Russie depuis une dizaine d’années. L’ordre soviétique s’était effondré, la tenaille impériale avait lâché, un nouveau déluge avait cours, « comme si tout [était] permis », écrit-il en reprenant les mots de Dostoïevski. Dé


Cécile Dutheil de la Rochère

critique, éditrice et traductrice