Littérature

Volodine, dernière marge – sur Vivre dans le feu d’Antoine Volodine

Écrivain

Pour son dernier roman, Volodine affronte le feu sans détour. Le soldat Sam voit fondre sur lui une bombe au napalm. Pas d’échappatoire. Inutile de chercher un abri, de tenter de fuir. Sam n’a plus que quelques fractions de secondes à vivre. Mais le roman va se loger dans cet espace-temps confiné. Vivre dans le feu est un récit de la fin qui suspend la fin.

Présenté comme « le dernier livre signé Antoine Volodine », Vivre dans le feu est son 22e roman mais aussi l’antépénultième de la série des 49 volumes publiés sous l’étiquette « post exotisme », un chiffre qui évoque pour les bouddhistes le nombre de jours d’errance entre la mort et la réincarnation.

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C’est la pièce qui manquait au puzzle géant patiemment assemblé depuis le milieu des années 1980 par Antoine Volodine. Une somme littéraire protéiforme avec ses « Narrats », ses « entrevoûtes », ses « Shaggås » et autres romånces… Un corpus hybride attribué à plusieurs auteurs publiés parallèlement au corpus volodinien sous les noms de Manuela Draeger (L’École des loisirs, l’Olivier), Lutz Bassmann (Verdier), Eli Kronauer ou le collectif Infernus Iohannes (l’Olivier) comme autant de radicelles attachées au tronc principal de l’œuvre.

Ces auteurs meta-volodiniens évoquent moins les hétéronymes cultivés de Fernando Pessoa qu’une camarilla de bandits chevauchant les steppes enfumées, des receleurs d’espoirs fouillant les ruines de l’époque. Leur lieu de prédilection (et l’espace de leur initiation), c’est le pays des utopies estropiées, les terres sans récit, des zones industrielles désertées et des régions irradiées. « Le pessimisme le plus lugubre et le désastre absolu, écrit Volodine, sont une pâte inerte avec quoi on peut façonner des objets extrêmement lumineux. »

La compagnie « Volodine and co » (personnages et auteurs confondus) a pour point commun l’expérience des camps et des prisons et cette aptitude infinie au « partage des expériences » comme disent les managers, mais il s’agit en l’occurrence d’expériences intraitables, de révolutions trahies, de rêves et de comas plusieurs fois dépassés, transfigurés par l’imagination. « Mes personnages se situent à divers moments de ce processus. Ils portent en eux deux certitudes : d’une part, la libération des hommes par la révolution est l’unique activité qui justifie leur séjour sur terre ; et, d’autre part, la


[1] voir Mircea Eliade Le Chamanisme: et les techniques archaïques de l’extase Paris, 1951

Christian Salmon

Écrivain, Ex-chercheur au CRAL (CNRS-EHESS)

Rayonnages

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Notes

[1] voir Mircea Eliade Le Chamanisme: et les techniques archaïques de l’extase Paris, 1951