Politique

2024, les enjeux politiques d’une année d’élections européennes

Politiste

2023 a vu le macronisme se redéfinir, privilégiant les manœuvres politiques au détriment des valeurs démocratiques. Qu’annonce 2024 au-delà d’un remaniement duquel il n’y a déjà rien à attendre ?

L’année politique 2023 a permis de préciser le cadre idéologique dans lequel se déploie le macronisme. L’année politique 2024 clarifiera celui dans lequel se déploient ses alliés et ses oppositions.

publicité

Elle peut voir se sceller une coalition de moyen terme, formalisée ou non, entre Les Républicains (LR) et Renaissance comme entre LR et le Rassemblement national (RN). Elle constituera sans doute l’une des dernières occasions pour la gauche d’adopter un positionnement fort, social, tourné vers l’avenir, les Français et la conquête du pouvoir, et d’assumer le statut d’opposition fière de ses valeurs, de son histoire et de ses combats passés pour l’égalité et la justice sociale. La date et l’ampleur en termes de nombre de ministres concernés du prochain remaniement gouvernemental, qui pourrait intervenir dès les premiers jours de l’année comme après les élections européennes du mois de juin, devraient n’avoir qu’un impact très limité sur la ligne politique adoptée par le Président de la République.

2023 : démocratie abîmée et valeurs bafouées

L’année 2023 aura, plus qu’aucune autre depuis 2017, contribué à la définition du macronisme. Un double principe a en effet guidé son action sur la scène politique nationale : la préférence donnée à la recherche du « bon coup » politique sur la protection de la démocratie d’une part, sur la défense des valeurs républicaines fondamentales d’autre part.

Le macronisme a réussi en 2023 le grand chelem de l’affaiblissement démocratique en optant à la fois pour l’indifférence vis-à-vis de la démocratie sociale, pour le manque d’estime vis-à-vis de la démocratie parlementaire et pour l’hypocrisie vis-à-vis de la démocratie participative et délibérative.

Les conditions de l’adoption de la réforme des retraites, sous la forme d’une loi de financement rectificative de la sécurité sociale promulguée le 14 avril 2023 malgré plusieurs mois d’un mouvement social de grande ampleur et un front syndical indéfectiblement uni, ont illustré l’indifférence totale du macronisme pour la démocratie sociale. Elles ont également, pour emprunter les mots de Pierre Rosanvallon, recréé « le spectre d’une incertitude généralisée sur l’avenir de chacun ». Ainsi que je le mets en lumière dans Classes figées. Comprendre la France empêchée[1], beaucoup de Français ont vu brusquement, avec le recul du moment où il devient possible de faire valoir des droits acquis tout au long d’une vie de travail, se refermer l’horizon promis du temps pour soi, ses envies et les siens. Le recours à l’article 49-3 de la Constitution pour l’adoption de la réforme a mis comme jamais en évidence le peu de cas que le macronisme fait de la démocratie parlementaire. La majorité présidentielle ne s’en est pas émue. À ce titre, le sociologue Étienne Ollion regrettait, dans un article pour AOC publié fin 2022, que « les élus privilégient désormais une logique de camps à celle de l’équilibre des pouvoirs dont ils sont pourtant les garants », et transforment ainsi l’Assemblée nationale en « un théâtre d’ombres ».

Après le non-respect des promesses faites aux participantes et aux participants de la convention citoyenne sur le climat, l’attentisme présidentiel suite aux travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie a, une deuxième fois, illustré le fait que les nouvelles formes démocratiques restaient en France prisonnières de verrous débilitants. Composée de cent quatre-vingt quatre citoyens tirés au sort et réunis au cours de vingt-sept jours de travail collectif et démocratique, cette convention citoyenne convoquée à l’appel du gouvernement à l’automne 2022 a remis, en avril 2023, un rapport affirmant que « pour une majorité de citoyennes et citoyens de la convention, l’accès à l’aide active à mourir doit être ouvert ». Elle a également publié un manifeste appelant à ce que « la parole citoyenne soit pleinement entendue et prise en compte » sur la question de la fin de vie. Mais toute décision politique sur le sujet semble depuis suspendue à la façon dont se forgera ou non la conviction intime d’un seul homme, le Président de la République.

Enfin, les dispositions du projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » adopté le 19 décembre 2023 (entre autres, le dépôt préalable d’une caution retour pour la délivrance d’un titre de séjour pour motifs d’études, l’établissement d’une préférence nationale pour l’accès à l’aide personnalisée au logement et aux prestations familiales et le rétablissement du délit de séjour irrégulier) installent dans le pays, pour reprendre les mots du professeur au Collège de France François Héran, « une logique de soupçon inédite vis-à-vis de l’immigré » et, pour emprunter ceux de la Défenseure des droits, « [heurtent] de plein fouet les principes de notre République ». Adopté grâce à l’intégralité des voix des députés des groupes LR et RN à l’Assemblée nationale, le texte marque indéniablement, pour Emmanuel Macron et au sein de son gouvernement, le goût du coup politique au prix de la défense et de la protection des valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité. Les mesures du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire, qualifiées par la Première ministre d’« irritants » pour la majorité, sont dans les faits d’extrême droite et consacrent le triomphe d’une idéologie de la peur et du rejet ; il faut y ajouter l’engagement pris par Elisabeth Borne dans une lettre adressée au président du Sénat Gérard Larcher en date du 18 décembre 2023 de « préparer les évolutions réglementaires ou législatives qui permettront d’engager une réforme de l’ aide médicale d’Etat ».

L’argument du recours au Conseil constitutionnel pour faire acter de la non-constitutionnalité de ces mesures très largement votées par la majorité (seul un quart de ses députés a fait défection sous la forme d’un vote contre ou d’une abstention) est plus que baroque. Celui des sondages est d’une mauvaise foi incontestable, d’autant plus qu’il est porté par celles et ceux qui ont fait passer aux forceps, contre l’opinion publique, la rue et la représentation syndicale, la réforme des retraites. Il est par ailleurs fortement affaibli par l’examen des conditions de passation, et de la formulation des questions, des sondages dont les résultats sont utilisés comme alibi.

Pour n’en prendre qu’un exemple, le sondage « exclusif » sur l’immigration publié par Le Journal du Dimanche le 17 décembre 2023 (en partenariat avec deux autres médias du groupe Bolloré, Cnews et Europe 1), sous le chapô « Ce que veulent vraiment les Français », accumule questions biaisées ou tournées de façon à susciter automatiquement l’assentiment des répondants, telles que : « En matière d’expulsion, la sécurité de la France doit-elle primer sur les droits individuels des étrangers ? », « Les accords de 1968 favorisent l’immigration algérienne en France. Faut-il rompre ces accords ? », ou encore « Selon vous, les passeurs qui aident les étrangers à venir en France de manière illégale doivent-ils être considérés comme des criminels et encourir de lourdes peines de prison ? ». Ses conclusions ne reposent par ailleurs que sur un fragile échantillon de 1 011 personnes auto-administré en ligne.

2024, de la théorie à la pratique

Pour conclure l’année 2023, la majorité présidentielle a ainsi choisi de faire sienne nombre des idées portées hier par le Front national et aujourd’hui par le RN. Aucune de ses quatre composantes partisanes (Ensemble ! est une coalition des partis Renaissance, Modem, Horizon et du Parti radical) ne s’est opposée à cette stratégie au moment du vote du projet de loi immigration.

Pour sa part, depuis l’élection présidentielle du printemps 2022, le parti Les Républicains se dissout à grande vitesse, en partie dans le macronisme auprès duquel il joue le rôle de l’idiot utile (le politiste Emilien Houard-Vial notait en juillet 2023 que les parlementaires LR refusaient l’alliance avec le gouvernement d’Elisabeth Borne mais votaient plus de la moitié de ses textes), en partie dans l’extrême-droite dont il a emprunté toute une partie du programme (voire l’intégralité du programme sur les sujets régaliens) et aux voix de laquelle il n’hésite pas à se joindre sans réserve.

À force de ne se positionner que par rapport à Marine Le Pen et à Eric Zemmour (dont le parti n’a pourtant pas conquis le moindre siège à l’Assemblée nationale), l’état-major LR est en train d’abandonner à la fois toute identité propre et son positionnement républicain. La droite qui se voudrait « décomplexée » est tellement pleine de complexes qu’après avoir sciemment miné la campagne de sa candidate à l’élection présidentielle, elle enterre sa branche centriste et son honneur républicain. Certains de ses parlementaires font pleinement leur l’idéologie d’extrême-droite, à l’image de la sénatrice du Val-d’Oise Jacqueline Eustache-Brinio déclarant à propos des personnes interpellées à la suite des violences urbaines consécutives à la mort de Nahel qui ont marqué le début de l’été 2023 : « La plupart des gens qui ont été arrêtés sont français, d’accord. Mais ça ne veut plus rien dire, aujourd’hui. Ils sont comment français ? ». Le slogan « Liberté, autorité, identité » adopté en 2022 par Eric Ciotti pour conquérir la tête de son parti, n’est pas qu’un objet de communication ; c’est une contre-devise qui abandonne délibérément et consciemment les valeurs d’égalité et de fraternité.

Les partis de gauche, quant à eux, paraissent avant tout focalisés, depuis les élections législatives de juin 2022, sur la promotion de leurs dissensions et de leurs désaccords. Ils font passer au deuxième plan l’opposition aux politiques portées par le gouvernement, et au troisième plan la mise en chantier de l’élaboration d’un projet solide et ambitieux à soumettre aux électrices et aux électeurs. Cette priorisation est l’un des éléments explicatifs de leur effondrement électoral. Nul ne peut l’ignorer, même en invoquant les rustines représentées par une troisième place d’Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) aux élections européennes de 2019 (sous la barre des 14 %), la conquête de quelques grandes municipalités par des alliances entre forces de gauche et écologistes lors des élections de 2020 ou la troisième place de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle de 2022 (sous la barre des 22 % et avec un total des voix de gauche dépassant à peine les 30 %). Les partis de gauche se posent trop facilement en victimes d’une situation dont ils sont en grande partie responsables.

Ainsi que l’expliquaitdans AOC le politiste Rémi Lefebvre en septembre 2022, « la gauche fédère les diplômés urbains, une partie des jeunes, les français de culture musulmane mais peine, en dépit même d’un discours plus radical sur le plan économique, à mobiliser une large partie des catégories populaires qui se réfugient dans l’abstention et dans le vote d’extrême droite ». Si elle ne s’attache pas dès 2024 à la reconquête des classes populaires des villes, des campagnes et du périurbain, la gauche ne se montrera à la hauteur ni de son histoire, ni du moment. Cette reconquête suppose de comprendre les besoins et les attentes des classes populaires, de les respecter comme électorat (c’est-à-dire de ne pas opter à leur égard pour la démagogie et les fausses promesses) et de leur proposer un horizon fédérateur et émancipateur. Ce serait, enfin, une erreur pour la gauche de tenter de se positionner au seul centre parce que la majorité présidentielle est définitivement ancrée à droite et que LR a fait le choix de se délester de sa frange centriste. La gauche n’a historiquement conquis le pouvoir qu’en assumant une part de radicalité, et ne l’a exercé avec succès que lorsqu’elle est restée fidèle à son engagement transformateur.

Une fois ce paysage posé, les élections européennes de juin 2024 représentent en théorie l’opportunité, pour LR et pour les partis de gauche, de construire le premier étage d’un nouveau pacte d’engagement et de confiance avec les citoyens après les revers électoraux historiques de 2017 et de 2022. Les premiers paraissent toutefois avoir jeté leur dévolu sur une autre stratégie, celle de se contenter de continuer à défendre une copie à peine amendée du programme du RN. Sont-ils d’ailleurs encore pro-européens alors qu’ils proposent d’inscrire dans la Constitution « la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen » ?

Les seconds ont opté pour la manœuvre, pourtant systématiquement perdante, de la « foire d’empoigne » ; je reprends ici l’analyse, toujours dans AOC, du politiste Frédéric Sawicki qui prédisait déjà en avril 2023 que les élections européennes de 2024 « [encourageraient] les stratégies égoïstes et donc la division ». À droite comme à gauche, autrement dit, les états-majors privilégient le court terme de l’obtention de quelques sièges au Parlement européen et de la revendication d’un leadership sur le champ de ruines au milieu duquel ils s’agitent plutôt que le long terme de l’élaboration d’un projet rassembleur et respectueux des principes à valeur constitutionnelle à soumettre aux Français. Ils paraissent avoir abandonné toute ambition fédératrice et se satisfaire de ne livrer que des « combats de pouce » (pour citer Orelsan).

Un calendrier électoral qui oblige

Seuls deux appels aux urnes rythmeront la vie politique française jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 : les élections européennes de 2024 et les élections municipales de 2026. Contrairement au rythme électoral du quinquennat entamé en 2017 (européennes en 2019, municipales en 2020, départementales et régionales en 2021), le nombre de rendez-vous électoraux, et les cordes de rappel de la réalité des territoires, seront donc limités. Les Français ne seront convoqués pour choisir leurs conseillers départementaux et régionaux qu’en mars 2028. Le scrutin européen sera ainsi, de fait, l’occasion d’un bilan dans les urnes des deux premières années du second quinquennat d’Emmanuel Macron et d’une pratique du pouvoir sans majorité à l’Assemblée nationale.

Les élections législatives de juin 2022 ont composé une Assemblée au visage inédit : pas de majorité absolue pour le Président de la République tout juste réélu, 89 députés pour le RN (troisième force politique de l’Assemblée), un intergroupe Nupes (Nouvelle Union populaire, écologique et sociale), fruit d’une coalition de circonstance entre La France Insoumise, le Parti socialiste (PS) et EELV, qui pouvait sur le papier, avec 142 députés, apparaître comme la première force d’opposition à la majorité présidentielle sur les bancs du Palais Bourbon, mais qui avait tout à construire et à prouver, et dont le groupe le plus important réunissait quelques députés de moins que celui du RN.

Cette composition de l’Assemblée ouvrait le champ à une arithmétique électorale attendue : l’apport d’une grande partie des 64 députés LR et Union des démocrates et indépendants (UDI) était nécessaire à la majorité présidentielle pour faire voter des textes de loi. De fait, LR et l’UDI ont permis l’adoption de nombre d’entre eux. L’engagement solennel pris par le Président de la République envers les Français le soir de son élection, le 24 avril 2022, rendait plus inattendu une autre arithmétique : le vote d’un texte mettant en œuvre une partie du programme du RN avec les voix du RN. Il a été rompu le 19 décembre 2023 au soir.

Le reniement de la promesse présidentielle aura un impact dans les urnes lors du scrutin européen du mois de juin. La principale incertitude tient aujourd’hui à la nature de celui-ci. Il peut se traduire par un nouveau record d’abstention comme par une sanction du Président de la République à travers un revers électoral infligé à la liste conduite sous ses couleurs. Il prendra sans doute la forme des deux. Mais ni LR, ni le PS et EELV ne devraient significativement profiter d’un revers électoral de Renaissance. Il faudrait en effet pour cela que Les Républicains se consacrent à une ambition autre que celle de marcher dans les pas de l’extrême-droite, et que le PS et EELV partagent un appétit qui ne se limite pas à savoir qui fera le plus grand des petits scores.

Le rendez-vous piégeux des élections européennes

Or en France, les états-majors des principaux partis se précipitent avec une constance déconcertante dans le piège d’une lecture biaisée des enjeux et des résultats des scrutins européens. Tous les responsables politiques qui voient les élections européennes de juin 2024 comme l’occasion de se compter pour pouvoir prétendre sur cette base à un leadership en vue de la présidentielle de 2027 sont ainsi dans le faux le plus total.

Ils n’ont tout d’abord rien appris de l’histoire électorale récente. Les scrutins pour la désignation des députés français au Parlement européen sont certes un marqueur plutôt fiable des dégringolades électorales : les 8,5 % et 6,2 % des voix respectivement obtenues par LR et par la liste PS – Place publique lors du scrutin de 2019 pouvaient les alerter sur le niveau de leur déconnection avec les attentes de l’électorat, dont l’ampleur a été confirmée par les échecs vertigineux de leurs candidates lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022. Mais ces scrutins n’ont jamais constitué de tremplin pour les élections présidentielles suivantes, surtout quand des résultats relativement médiocres ont servi de justification à des refus d’union, à l’image des 13,4 % des voix de la liste EELV conduite par Yannick Jadot, suivis d’un tour de piste en solitaire de ce dernier qui l’a conduit en sixième position du premier tour de la présidentielle de 2022, sous la barre des 5 % des suffrages exprimés (et avec à peine 500 000 voix obtenues de plus que Jean Lassalle).

Les responsables politiques français perçoivent également mal les spécificités d’un scrutin proportionnel à un tour porteur d’enjeux en propre dont les électeurs (peu nombreux) qui se déplacent aux urnes paraissent avoir davantage conscience que les « ténors » des partis. Ce sont d’ailleurs régulièrement des têtes de liste par défaut qui sont désignées, beaucoup d’élus de carrière faisant le choix de ne pas prendre leur risque, préférant éviter la confrontation démocratique avec le corps électoral plutôt que d’affronter la perspective d’un résultat décevant ou celle de quitter un siège sur les bancs du Palais Bourbon, la tête d’un ministère ou d’une région. La promotion du recours à la « société civile » est un artifice de communication. Ce refuge pour pallier l’absence de candidatures alternatives est faussement symbole d’ouverture.

Dans un contexte similaire d’une compétition électorale annoncée comme particulièrement difficile, Axel Kahn avait porté un regard lucide sur son investiture comme candidat à la députation dans la deuxième circonscription de Paris par le PS en 2012 : « les “pointures socialistes” montraient peu d’empressement à se porter candidats dans une circonscription dessinée pour la droite. D’où l’appel à un acteur de la société civile censé ressentir avec moins de douleur un échec annoncé », écrivait-il dans son récit Un chercheur en campagne. Les professionnels de la politique issus des rangs des Républicains et du PS ont opté pour les élections européennes 2019 pour cette stratégie (peu payante) de l’évitement, les premiers désignant le philosophe versaillais François-Xavier Bellamy, les seconds l’essayiste médiatique Raphaël Glucksmann.

Ce dernier a connu une campagne singulièrement difficile (Le Monde parlait à son propos d’un « candide en campagne » début avril 2019, puis décrivait son « calvaire » un mois plus tard), même si sa liste est parvenue à dépasser le plancher de 5 % permettant d’envoyer des députés au Parlement européen. L’équation se pose certes différemment pour le PS en vue du scrutin de juin 2024 – peu d’arguments permettraient de justifier de ne pas redonner leur chance aux sortants –, mais le choix de l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve de se poser en recours à gauche tout en évitant l’épreuve des urnes ne peut qu’interroger.

On ne saurait pourtant tirer comme seules conclusions des résultats à venir des élections européennes un ordre d’arrivée entre Renaissance et le RN d’une part, et EELV et Place publique d’autre part. Le positionnement de la France comme moteur de la construction européenne et de sa promesse de paix et de prospérité, la défense du rôle de la Cour de Justice de l’Union européenne sont en jeu. Ce qui comptera dans les résultats de ce scrutin ne sera pas tant le classement que la mobilisation électorale d’une part, et les rapports de force globaux de l’autre.

Si la liste Renaissance recueille un point de plus que la liste RN aux élections européennes de juin 2024 après avoir fait un point de moins à celles de juin 2019, elle n’aura obtenu aucune victoire. Si EELV et le PS n’appréhendent les européennes en n’ayant en tête que le nombre de places que leurs résultats respectifs leur permettront d’exiger lors des discussions pour la constitution des listes aux élections municipales, ils peuvent d’ores-et-déjà se préparer à passer leur tour pour la présidentielle de 2027. Leur responsabilité serait dès lors majeure en cas de victoire de la candidate d’extrême-droite à celle-ci.

La gauche va-t-elle continuer à se « [montrer] largement incapable de reprendre le flambeau de l’idéal démocratique, laissant ainsi la porte grande ouverte à l’extrême droite » (j’emprunte les mots du sociologue Alain Caillé dans un article pour AOC) ? La droite sociale et républicaine s’effacera-t-elle définitivement du champ politique français ? Alors que le positionnement droitier du macronisme ne fait désormais plus débat, ce seront deux des principaux enjeux de l’année politique 2024.

NDLR : Agathe Cagé publiera à la fin du mois de janvier Classes figées. Comprendre la France empêchée chez Flammarion.


[1]À paraître chez Flammarion le 24 janvier 2024.

Agathe Cagé

Politiste

Notes

[1]À paraître chez Flammarion le 24 janvier 2024.