Allumez le feu ! – sur Contrefeu d’Emmanuel Venet
Ils ne sont pas si nombreux les écrivains trempant leur plume dans l’humour, qui plus est dans l’humour noir. Emmanuel Venet est de ceux-là. Les lectrices et les lecteurs d’AOC ont pu déjà s’en rendre compte en lisant les deux fictions qu’il a données ici, Un dîner chez la veuve et Les Disparus de Pomeyrieu. Rien n’échappe à l’ironie de l’auteur : les conventions sociales, les travers de l’époque, et même la mort.

Son nouveau roman, Contrefeu, ne peut mieux s’engager : « Le premier incendie auquel fut confronté le père Philippe Ligné s’alluma dans sa culotte le dimanche 26 juin 1988, à l’occasion du baptême de Grégoire Mourron : Marie-Ange, la mère du nouveau-né, portait ce jour-là une robe d’été vert pomme au décolleté plongeant, et resplendissait comme une madone ». Dans cet incipit, Venet ne laisse rien au hasard. On démarre tout feu tout flamme avec la libido d’un ecclésiastique. Et les mots « Marie », « Ange », « pomme » et « madonne » résonnent dans la même perspective. Avec, plus que suggérée, une sacrée dose de sexe.
Le second incendie est moins intime, beaucoup plus spectaculaire. Il se déclare à la fin du premier chapitre, alors que le père Philippe Ligné, loin de son diocèse, et Marie-Ange sont dans une chambre d’hôtel s’adonnant à leurs affaires – car ce début ne pouvait être sans suite, même si l’amour entre l’évêque et la jeune femme a suivi un cheminement délicieusement torturé, raconté avec gourmandise par l’auteur, avant d’être consommé.
La cathédrale Saint-Fruscain de Pontorgueil est la proie des flammes au soir du jeudi 15 avril 2010, la détruisant presqu’intégralement. Si l’église n’est plus au centre du village, elle est au cœur du livre. Tout va tourner autour de cette question : quelle est la main criminelle ayant réduit en cendres la maison de Dieu ? Contrefeu a quelque chose d’un roman policier bien qu’il procède davantage de la comédie humaine et de la satire sociale.
Plusieurs des personnages qui y figurent sont peu ou prou liés