Schwarzenegger impuissant – sur Créatine de Victor Malzac
Qu’est-ce qu’un homme, un vrai ? À l’aune des critères contemporains, qu’est-ce qu’un bon homme ? Pour plaire, doit-il être fragile ou être fort ? Que désirent les femmes ?

Les hommes et les femmes vont-ils continuer à coucher ensemble maintenant que la guerre entre eux est officiellement déclarée ? Dernière interrogation : qu’est-ce qu’un père ? Un boulet, inévitablement un macho auquel un fils ne doit surtout pas ressembler ? Ces questions sont au cœur de plusieurs livres publiés en France depuis quelques mois et de ce point de vue, Créatine reste dans les clous.
Premier roman de Victor Malzac, c’est le monologue d’un homme de vingt-trois ans qui raconte et qui vante (à un destinataire inconnu qu’il tutoie) son évolution depuis ses quinze ans. Il a transformé son corps, il a « mué » : autrefois chétif, il s’est rapproché de son idole, Arnold Schwarzenegger. À force de travailler ses muscles, de soulever de la fonte, il est devenu un Américain dans l’âme. Du moins, c’est ce qu’il prétend.
Dans ce livre cohabitent des absurdités (« J’avais une bite de soixante-neuf centimètres à la fin ») et des observations sérieuses (« Pendant longtemps ma vie était très fade, je n’avais pas de passion et je n’étais pas très beau de nature. ») Autrefois adolescent ingrat, il est devenu un homme digne de ce statut (selon lui) grâce au culturisme qu’il pratique dans une salle de sport qui s’appelle – c’est tout un programme – Muscle3000. Il veut « Des femmes du succès de l’argent du muscle et du respect et des villas de luxe », comme les rappeurs en somme : c’est grâce à cette écriture rythmée, musicale, pressée, puissante, orale, littéraire et insolente que Créatine détonne dans le paysage littéraire actuel, et sort largement du lot.
Cette langue qui ne s’encombre pas de virgules trace sa route tout en restant légère. Elle ne relève pas de la grosse artillerie et c’est une gageure, étant donné la crudité et les énormités (à tous points de vue) de ce qui est écrit. Malzac