Le ruisseau déchiré – sur Le mal n’existe pas de Ryūsuke Hamaguchi
Comme une énigme, Le mal n’existe pas est un film immédiatement troublant, qui témoigne d’une forme d’indécidabilité inhérente aux œuvres les plus insaisissables. Le titre et plus particulièrement la seule évocation du « mal » instaurent, dans les forêts enneigées des monts Yatsugatake où se déroule le récit, une tension indéniable.

Si le mal « n’existe pas », pourquoi devoir le mentionner ? Pourquoi rappeler, comme pour se rassurer, qu’il ne fait pas partie de ce monde ? Qu’importe le fait que les personnages vaquent un certain temps à leurs occupations ordinaires sans trop se méfier de ce qui les entoure : la neige qui recouvre les alentours du village de Mizubiki recouvre bien quelque chose d’autre.
L’une des qualités caractéristiques du cinéma de Ryūsuke Hamaguchi, auteur notamment d’Asako I & II, Drive my Car ou Contes du hasard et autres fantaisies, tient à ces récits à la profondeur élégamment masquée, que la mise en scène va peu à peu mettre en pleine lumière. Le recours au temps long et la tendance à déployer des situations dans leur intégralité (le cinéaste japonais interrompt assez peu les événements qui se produisent dans ses récits) y participent. À un moment donné, le manteau de neige pourrait être retiré.
À quelques heures de route de Tokyo, dans une zone rurale où les hivers sont rudes et les forêts relativement préservées, le taciturne Takumi (Hitoshi Omika) fait office « d’homme à tout faire », veillant sur les espaces naturels de la région et collectant du bois, de l’eau et diverses ressources pour ses amis et les commerces locaux. Il élève seul sa fille Hana (Ryo Nishikawa), qui a pris pour habitude, à cause des retards répétés de son père, de rentrer de l’école en marchant dans les bois enneigés, quitte à parfois y rester un peu trop longtemps.
Un jour, un projet de construction de « glamping » (comprendre : « camping glamour », destiné aux citadins et autres influenceurs en quête d’air frais), ouvertement polluant et mercantile, menac