Littérature

La poursuite du bonheur – sur Le Raspail vert de Michel Braudeau

Écrivain

Michel Braudeau poursuit avec Le Raspail vert une série autobiographique qui comptait déjà trois titres : Place des Vosges, Rue de Beaune, La Porte dorée. À chaque tome son lieu parisien privilégié, mais pour tous cette même grâce d’un style qui vagabonde à la poursuite du bonheur, en creusant parfois des brèches ultrasensibles dans la matière de l’enfance. Il en ressort une certaine conception de la littérature, peut-être, dégagée en apparence des contingences – voire des exigences – du présent, et pourtant au plus près d’une sorte de vérité sans âge, et pour cela contemporaine.

Michel Braudeau a eu pas mal de vies dans sa vie d’écrivain : feuilletoniste littéraire, journaliste à L’Express, grand reporter au Monde, directeur de la Nouvelle revue française, critique de cinéma… C’est à cette dernière activité que l’on a pensé d’abord à la lecture du Raspail vert, parce que quelque chose pourrait bien y évoquer un film de Claude Sautet librement adapté de Stendhal…

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Ce nouveau volume de mémoires, le quatrième, a quelque chose en tout cas de la poursuite du bonheur (par le style), dans un monde qui peut faire penser à celui, presque suranné, du cinéaste de Vincent, François, Paul et les autres : circonscrivant à nouveau son livre dans le périmètre d’un micro-quartier parisien (à chaque tome son déménagement : Place des Vosges, Rue de Beaune, La Porte dorée), Michel Braudeau décrit une vie qui s’organise autour de la femme aimée, Joaquina – à qui est encore une fois dédié le livre – , des dîners et des chats, du QG amical du café familier, le Gymnase, avec son personnel cordial, ses discussions quotidiennes et se petits rituels, bref sa vie.

Livre du bonheur, ou du moins de ses possibilités, Le Raspail vert tire son titre de l’ancien nom d’un autre café proche, à l’angle des boulevards Edgard-Quinet et Raspail, qui s’est appelé ensuite Le Jockey et devait son enseigne initiale aux arbres abondants de cette partie du quartier, aux abords du cimetière Montparnasse. Ce lieu est resté lié, écrit Braudeau, « à la couleur verte, celle de l’absinthe, de l’espérance et des arbres que je voyais frémir à nos fenêtres. Ce vert du Raspail était joyeux dans la journée, du printemps à l’automne, il apaisait les premières saisons du réchauffement climatique. Le soir il virait au noir, s’agitait dans les bouffées de vent que soulevaient les camions qui livraient la ville, et les feuilles balancées dans la lumière des lampadaires formaient par moment des visages humains, qui se décomposaient, se ramassaient sans bruit comme des menaces. » Merveilleuse


Fabrice Gabriel

Écrivain, Critique littéraire

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