International

Antonio Scurati : « Voir le fascisme de l’intérieur, voir son abîme en nous »

Historienne

Le quatrième tome de M. L’ora del destino (« M. L’Heure du destin »), son roman documentaire sur Mussolini, vient de sortir en Italie. Et l’adaptation en série qui en a été tirée était au festival du cinéma de Venise début septembre. La rentrée d’Antonio Scurati est chargée ; signe peut-être d’un temps où le « désir d’histoire » et la lutte qui doit nécessairement l’accompagner s’affichent comme les seuls aptes à redonner du sens à l’agir.

Il ne fait pas bon protester contre le gouvernement de Giorgia Meloni. Ainsi le projet de loi sur la « sécurité » accepté en septembre en première lecture au parlement italien criminalise des actions non violentes ; pour des collectifs occupant l’espace public (rues, artères, autoroutes, sit-in devant les écoles, les universités ou les industries) les sanctions peuvent aller jusqu’à deux ans de prison. Il s’attaque aussi aux détenus et aux personnes migrantes dans les centres de rétention, criminalisant les actes de résistance passive ou de désobéissance (jusqu’à 8 ans de réclusion)[1]. Et le gouvernement Meloni s’en prend aux services publics (notamment au secteur de la santé), à l’instruction (les coupes prévues pour 2025 seront catastrophiques pour la recherche, les universités et les écoles), à la liberté d’informer et à celle d’exprimer son opinion dans l’espace public.

publicité

Pensons aux attaques en justice contre l’auteur antimafia Roberto Saviano ou l’historien Luciano Canfora (Giorgia Meloni a retiré sa plainte juste avant le procès) ; aux intimidations qui touchent l’ensemble des journalistes non alignés et aux menaces de licenciement qui pèsent sur les enseignants exprimant leur opposition à la politique du ministre de l’Instruction et du Mérite (sic !), Giuseppe Valditara, comme c’est le cas aujourd’hui de Christian Raimo[2]. Comment dans ce contexte d’attaques tous azimuts ne pas se souvenir de la censure du discours d’Antonio Scurati sur la RAI le 25 avril dernier (anniversaire, et jour férié national, de l’insurrection générale en 1945)[3]?

La rentrée de l’écrivain italien est chargée. Le quatrième tome de son roman documentaire consacré à Benito Mussolini, M. L’ora del destino (« M. L’Heure du destin »), vient de sortir en Italie alors que la série qui en a été tirée a été présentée au dernier festival du cinéma de Venise. Signe peut-être d’un temps où le « désir d’histoire », et la lutte qui doit nécessairement l’accompagner, s’affiche comme seul


[1] Vitalba Azzolini, « Ddl sicurezza : il governo sceglie ancora una volta la repressione e il populismo penale », Valigia Blu, 16 septembre 2024.

[2] Matteo Pascoletti, « Saviano, Domani, Report: in Italia il potere ha un problema con la libertà di espressione e di informazione », Valigia Blu, 26 juillet 2024 ; Charles Heimberg, « Quand l’extrême droite italienne bâillonne la liberté de pensée d’un enseignant », Blog Médiapart, 8 octobre 2024.

[3] Stéfanie Prezioso, « La “reine” Giorgia, le RN et le souvenir de Giacomo Matteotti », AOC, 21 juin 2024.

[4] Voir Tomaso Montanari, « Italie : une République déconstruite par l’anti-antifascisme », AOC, 2 octobre 2020 ; Stéfanie Prezioso, « Cent ans après la Marche sur Rome : fascisme, du passé au présent et retour », AOC, 26 octobre 2022.

[5] La Politique de la peur, traduit par Nathalie Bauer, Les Arènes, septembre 2024.

Stéfanie Prezioso

Historienne, Professeure à l’Université de Lausanne

Notes

[1] Vitalba Azzolini, « Ddl sicurezza : il governo sceglie ancora una volta la repressione e il populismo penale », Valigia Blu, 16 septembre 2024.

[2] Matteo Pascoletti, « Saviano, Domani, Report: in Italia il potere ha un problema con la libertà di espressione e di informazione », Valigia Blu, 26 juillet 2024 ; Charles Heimberg, « Quand l’extrême droite italienne bâillonne la liberté de pensée d’un enseignant », Blog Médiapart, 8 octobre 2024.

[3] Stéfanie Prezioso, « La “reine” Giorgia, le RN et le souvenir de Giacomo Matteotti », AOC, 21 juin 2024.

[4] Voir Tomaso Montanari, « Italie : une République déconstruite par l’anti-antifascisme », AOC, 2 octobre 2020 ; Stéfanie Prezioso, « Cent ans après la Marche sur Rome : fascisme, du passé au présent et retour », AOC, 26 octobre 2022.

[5] La Politique de la peur, traduit par Nathalie Bauer, Les Arènes, septembre 2024.