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Cent ans après la Marche sur Rome : fascisme, du passé au présent et retour

Historienne

Le 27 octobre 1922 débutait la Marche sur Rome, qui allait consacrer l’arrivée au pouvoir de Benito Mussolini. Cent ans plus tard, avec la formation du gouvernement de Giorgia Meloni, le « retour » du fascisme n’a jamais semblé aussi proche en Italie. Comment en est-on arrivé là ?

Le 27 octobre 1922 commençait la Marche sur Rome, aboutissement de deux ans de violence fasciste contre ses adversaires politiques et de pénétration progressive dans les rouages de l’État. Elle allait consacrer l’arrivée au pouvoir de Benito Mussolini. Durant les vingt ans qui vont suivre, elle sera célébrée tous les 28 octobre, jour où officiellement la marche a eu lieu, en en faisant l’événement de « fondation » du nouveau régime, élément clé de la « révolution nationale » que Mussolini disait avoir engagée dès la fondation des faisceaux de combats en mars 1919.

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Cent ans plus tard, le « retour » du fascisme n’a jamais semblé aussi proche en Italie. Ignazio La Russa, membre historique du Mouvement social italien, l’un des fondateurs en 2012 de Fratelli d’Italia, est aujourd’hui président du Sénat, grâce à 17 voix provenant des rangs de l’opposition parmi lesquelles sans doute celle de l’ancien président du conseil Matteo Renzi[1]. Fier collectionneur de bustes de Mussolini, La Russa déclarait encore début septembre 2022 : « Nous sommes tous les héritiers du Duce. » Lorenzo Fontana, « nouveau porte-drapeau du fondamentalisme chrétien », homophobe et raciste, soutien d’Aube dorée, est quant à lui président de la Chambre des députés.

La formation du gouvernement de Giorgia Meloni, la première femme appelée à ce poste comme le souligne à l’envi la presse nationale et internationale, ne cesse d’ailleurs de confirmer les pronostics les plus sombres. Les noms des ministères tout d’abord frappent l’attention des observateurs avertis : Développement économique et made in Italy ; Instruction et mérite ; Famille, natalité et parité des chances ; Agriculture et souveraineté alimentaire. Dans la palette de celles et ceux choisis pour composer le nouvel exécutif, notons la présence de Francesco Lollobrigida, beau-frère de Giorgia Meloni, qui inaugurait en 2012 un mausolée à Rodolfo Graziani, le « boucher du Fezzan », général de la République de Salò.

L’idée de l’Italie


[1] Carlo Canepa, Davide Leo, Laura Loguercio, « Video alla mano, quali senatori dell’opposizione hanno votato La Russa », pagella politica, 13 octobre 2022.

[2] Francesco Filippi, Ma perché siamo ancora fascisti ? Un conto aperto, Turin, Bollati Boringhieri.

[3] Marcello Veneziani, La cultura della destra, Bari, Laterza, 2015.

[4] Marcello Veneziani, « È l’eterno Mussolini l’uomo dell’anno », Il Tempo, 30 décembre 2017.

[5] Melissa di Sano, « Il sindaco dell’Aquila Biondi nella chat che inneggia a Salò », Il Fatto Quotidiano, 8 mai 2018 ; Matteo Pucciarelli, « Il Comune celebra i caduti di Salò », la Repubblica, 30 avril 2018 ; Guido Crainz, « Una domanda alla sinistra sul 25 aprile », la Repubblica, 22 avril 2018 ; Antonio Brusa, « A. Gramsci-N. Pende. Una strana coppia nell’anniversario delle leggi razziali », Historia Ludens, 20 août 2018.

[6] Demos & Pi, 72° Atlante politico. Indagine Demos & Pi per la Repubblica, février 2018.

[7] Gabriele Turi, La cultura delle destre, p. 61.

[8] Alberto de Bernardi, Una dittatura moderna. Il fascismo come problema storico, Milan, Bruno Mondadori, 2001, p. 1.

[9] Angelo D’Orsi, « Via Almirante, l’ignoranza della storia genera mostri », Il Manifesto, 16 juin 2018.

[10] Rory Cappelli, « Campidoglio, passa la mozione per intitolare una strada ad Almirante », R.it roma, 14 juin 2018.

[11] Angelo D’Orsi, « Via Almirante », art. cit.

[12] Philippe Videlier, « À peine masqués s’avancent les falsificateurs du passé », Le Monde diplomatique, janvier 1994.

[13] Stéfanie Prezioso, « Did Revisionism Win ? Italy between loss of historical consciousness and nostalgia for the past », in Hugo García, Mercedes Yusta, Xavier Tabet, and Cristina Climaco (ed.), Rethinking Antifascism. History, Memory and Politics, 1922 to the Present, New York, Berghahn Book, 2016, p. 241-257.

[14] Sergio Luzzatto, La crisi dell’antifascismo, Turin, Einaudi, 2004, p. 11 ; Stefanie Prezioso, « Antifascism and Anti-totalitarianism : The Italian Debate », Journal o

Stéfanie Prezioso

Historienne, Professeure à l’Université de Lausanne

Notes

[1] Carlo Canepa, Davide Leo, Laura Loguercio, « Video alla mano, quali senatori dell’opposizione hanno votato La Russa », pagella politica, 13 octobre 2022.

[2] Francesco Filippi, Ma perché siamo ancora fascisti ? Un conto aperto, Turin, Bollati Boringhieri.

[3] Marcello Veneziani, La cultura della destra, Bari, Laterza, 2015.

[4] Marcello Veneziani, « È l’eterno Mussolini l’uomo dell’anno », Il Tempo, 30 décembre 2017.

[5] Melissa di Sano, « Il sindaco dell’Aquila Biondi nella chat che inneggia a Salò », Il Fatto Quotidiano, 8 mai 2018 ; Matteo Pucciarelli, « Il Comune celebra i caduti di Salò », la Repubblica, 30 avril 2018 ; Guido Crainz, « Una domanda alla sinistra sul 25 aprile », la Repubblica, 22 avril 2018 ; Antonio Brusa, « A. Gramsci-N. Pende. Una strana coppia nell’anniversario delle leggi razziali », Historia Ludens, 20 août 2018.

[6] Demos & Pi, 72° Atlante politico. Indagine Demos & Pi per la Repubblica, février 2018.

[7] Gabriele Turi, La cultura delle destre, p. 61.

[8] Alberto de Bernardi, Una dittatura moderna. Il fascismo come problema storico, Milan, Bruno Mondadori, 2001, p. 1.

[9] Angelo D’Orsi, « Via Almirante, l’ignoranza della storia genera mostri », Il Manifesto, 16 juin 2018.

[10] Rory Cappelli, « Campidoglio, passa la mozione per intitolare una strada ad Almirante », R.it roma, 14 juin 2018.

[11] Angelo D’Orsi, « Via Almirante », art. cit.

[12] Philippe Videlier, « À peine masqués s’avancent les falsificateurs du passé », Le Monde diplomatique, janvier 1994.

[13] Stéfanie Prezioso, « Did Revisionism Win ? Italy between loss of historical consciousness and nostalgia for the past », in Hugo García, Mercedes Yusta, Xavier Tabet, and Cristina Climaco (ed.), Rethinking Antifascism. History, Memory and Politics, 1922 to the Present, New York, Berghahn Book, 2016, p. 241-257.

[14] Sergio Luzzatto, La crisi dell’antifascismo, Turin, Einaudi, 2004, p. 11 ; Stefanie Prezioso, « Antifascism and Anti-totalitarianism : The Italian Debate », Journal o