Le social ne peut être réduit au biologique
Les sciences sociales et les sciences cognitives sont, depuis quelques années, dans une situation de frictions disciplinaires relativement intenses. Entre les appels à la soumission des premières aux règles méthodologiques des secondes, et les refus réciproques de dialoguer, les tensions sont importantes. Elles témoignent, à notre sens, d’enjeux socio-épistémiques majeurs qui doivent permettre de mettre à plat des approches de travail partagées sur des objets qui, à défaut d’être communs, sont sécants en de nombreux points. Ces « frottements », parfois virulents, ne concernent pas uniquement le champ académique : leur instrumentalisation politique est flagrante et n’aide pas à la compréhension des enjeux.

Or, il nous semble essentiel d’inviter chacun à réfléchir aux conditions qui rendraient possibles des échanges fructueux entre ces disciplines, et permettraient aussi d’éviter certains écueils existants. Il ne s’agit pas de méconnaître les positions de domination – notamment financières et institutionnelles – des sciences cognitives dans le champ scientifique, et réciproquement des positions de dominées des sciences sociales. Mais nous pensons qu’il est possible d’instaurer un rapport de coopération sur des fondements clairement définis, et ainsi de mettre en avant des enjeux de recherche qui nourrissent les deux ensembles de disciplines sans en léser aucune.
L’enjeu d’un échange non-impérialiste et scientifiquement fécond entre sciences sociales et sciences cognitives est de taille.
La vieille antienne nature-culture, souvent évoquée dans cet affrontement entre sciences humaines et sciences cognitives, nous semble pourtant un bien mauvais point de départ pour imaginer de telles relations d’échanges. Il est bien plus intéressant de se pencher sur la méthodologie scientifique, puisqu’elle permet d’interroger profondément les ressources épistémologiques qui permettent de penser à la fois le social, le vivant et l’ensemble des systèmes complexes. En reprena