Penser l’extrême droite en Allemagne de l’Est : de la contestation du communisme à la peur de l’étranger

Historien

La fin de l’été à été marquée par de violentes manifestations anti-migrants en Saxe. Pour vraiment comprendre comment s’est formé un sentiment croissant d’insécurité parmi de nombreux citoyens d’Allemagne de l’Est, il est nécessaire de prendre du recul et de réinscrire l’actualité de l’extrême-droite allemande dans une histoire de moyenne durée.

Une fois passée l’émotion politico-médiatique autour de la Saxe et plus précisément de la ville de Chemnitz érigée en « épicentre de l’extrême droite », il faut prendre le temps de poser le problème de la radicalisation politique en Allemagne de l’Est en la contextualisant davantage dans le temps long. Une telle perspective ne vise pas à établir de manière déterministe une ligne de causalité directe entre un passé est-allemand et le temps présent. Elle offre par contre la possibilité de penser la complexité de ce phénomène.

La plupart des journalistes et des « experts » mobilisés pour expliquer cette flambée de violence extrême la qualifient de « phénomène assez ancien (sic) postérieur aux années de la Réunification. » En clair, les conséquences socio-économiques de la révolution néolibérale en Allemagne de l’Est sont présentées comme la principale clé d’explication à l’épanouissement des idées d’extrême-droite.

Le nez collé à l’écume de l’actualité, ces spécialistes omettent trop souvent d’inclure dans leur analyse une dimension historique double. D’une part, l’Allemagne de l’Est a connu de manière quasi continue un régime de dictature entre 1933 et 1989, ce qui se traduit par une absence sur la longue durée d’une expérience de l’État de droit et de la culture démocratique ; d’autre part, la RDA a produit une culture d’extrême-droite dans les années 1970 et 1980.

Bref, il est impératif de réinscrire l’actualité de l’extrême-droite allemande en Allemagne de l’Est dans une histoire de moyenne durée. Il ne s’agit évidemment pas de disqualifier les facteurs liés aux conséquences de la Réunification mais de montrer comment un certain héritage est-allemand a constitué le socle d’un sentiment croissant d’insécurité parmi de nombreux citoyens d’Allemagne de l’Est.

L’extrême droite à l’ombre de l’État antifasciste

Depuis sa fondation en 1949, la RDA s’est toujours définie comme la « bonne Allemagne » : celle des universalistes humanistes (Goethe et Schiller), des socialist


Emmanuel Droit

Historien, Professeur d’histoire contemporaine à Sciences Po Strasbourg