Supprimer l’ENA ? Et puis quoi ?
« Je crois dans l’excellence républicaine et nous avons besoin d’une élite, de décideurs. Simplement, cette élite doit être à l’image de la société et être sélectionnée sur des bases exclusivement méritocratiques. C’est pourquoi nous en changerons la formation, la sélection, les carrières en supprimant l’ENA et plusieurs autres structures pour en rebâtir l’organisation profonde. »
Ainsi aurait dû s’exprimer le président de la République ce 15 avril, selon les journalistes qui avaient reçu copie de ce discours avorté.

Ce discours apparaît comme une nouvelle étape dans la litanie des discours politiques démagogiques qui stigmatisent les fonctionnaires en pointant du doigt leurs privilèges supposés, leur inertie fantasmée et leur soi-disant responsabilité dans l’incapacité du pays à « se réformer ». Lorsque l’on prétend faire de cette mesure de suppression de l’ENA, combien forte symboliquement, une réponse à la crise sociale profonde qui s’est incarnée dans le mouvement des « gilets jaunes », on transforme les hauts fonctionnaires en boucs émissaires sans rien changer aux causes de la colère. Ce faisant, on donne de nouvelles munitions à ces lobbyistes ultra-libéraux, escrocs intellectuels patentés, dont le fonds de commerce consiste à prôner le démantèlement de l’État – et qu’importent les conséquences de leurs mesures, s’il devait se trouver un jour des responsables politiques assez fous pour les mettre en œuvre, sur la vie quotidienne de millions de personnes et sur la cohésion de notre société.
Écoutez : on les entend au loin, qui hurlent à nouveau pour dénoncer l’emprise des hauts-fonctionnaires-de-Bercy sur le destin du pays. Savent-ils, ces demi-habiles, que le pouvoir de l’administration ne croît qu’à mesure que les élus et les gouvernements refusent d’exercer le leur ? L’administration vient combler le vide qui se crée lorsque les responsables politiques refusent d’assumer leur rôle, qui consiste à trancher entre plusieurs possibilités en prenant des décisio