Vincent Lambert et le (trop grand) prix du passage
Depuis plusieurs jours, la situation de Vincent Lambert a envahi l’espace médiatique. Cela tient au fait que des militants issus de la droite réactionnaire chrétienne se sont mobilisés jusque devant le parvis du CHU de Reims où Vincent Lambert se trouve pris en charge pour contester l’arrêt de son alimentation et de son hydratation. Sa situation n’a pourtant rien d’inédit ni d’unique en France, mais dans cette affaire la légalité d’une décision entraînant le décès a été mis en doute de 2014 à 2019 devant la justice. L’arrêt des soins a été décidé dès 2013 par l’équipe médicale, en concertation avec son épouse. Ensuite seulement, cette décision a été constamment mise en cause par la saisie de juridictions nationales, européenne et internationale, par les avocats des parents et de deux de ses frères et sœurs.
Si cette affaire laisse, spontanément, la plupart d’entre nous dans une incertitude politique et morale, c’est, d’une part, parce que nous ne voyons pas pourquoi une décision médicale ne devrait pas être contrôlée et faire l’objet de débats à l’encontre de médecins. C’est, d’autre part, parce que l’état végétatif dans lequel se trouve Vincent Lambert ne permet pas de trancher immédiatement sur la conduite qu’il convient d’adopter à son égard. Il trouble nos conceptions usuelles d’une personne humaine autonome. C’est, enfin, parce que la souffrance d’une famille face à la mort d’un proche nous laisse rarement indifférents. Néanmoins, pour l’ensemble de ces raisons, un regard plus distancié s’impose sur cette affaire.
Un individu ne peut être désigné comme mort que lorsque sa communauté s’accorde à lui attribuer ce statut et entreprend des rites funéraires.
L’anthropologie des « rites de passage » (en référence à la notion forgée par Arnold Van Gennep) a depuis longtemps étudié ces franchissements d’un état à un autre. Il s’agit d’une expérience collective au travers de laquelle les pratiques adoptées envers un individu et son statut social viennent à êt