Phobie de l’État et amour de l’entreprise
Derrière le conflit surmédiatisé Macron-Le Pen opposant progressisme et populisme – ou pour reprendre une formule de Nancy Fraser, « libéralisme progressiste contre populisme réactionnaire » – se joue un autre affrontement qui éclaire l’affaissement électoral de grands partis de droite et de gauche, constaté lors des élections européennes. Il a pour enjeu la relation symbolique entre deux institutions majeures, l’État et l’Entreprise. Au moment où la « phobie d’État » et du politique atteint son apogée dans l’opinion, il semble judicieux, de droite à gauche, de déclarer son « amour de l’entreprise », comme avait su le faire Manuel Valls alors Premier ministre, à l’Université d’été du MEDEF en 2014. Tout se passe comme si la critique de l’État appelait la célébration de l’Entreprise.

La « grande phobie de l’État », formule de Michel Foucault, a débuté vers 1750, concomitamment aux libéralismes, à la naissance de l’économie politique et à la volonté de limiter l’État absolutiste. Cette phobie a été renforcée au XIXe siècle, par les divers socialismes et anarchismes et a fini par laminer la puissance culturelle et symbolique des États-nations au XXe siècle après les deux guerres mondiales. Désormais, au-delà des visions néo-libérales ou socio-démocrates, un temps politique nouveau semble s’imposer, celui de l’hybridation « État-Entreprise » . Emmanuel Macron l’incarne : il en est une des figures symboliques à l’instar de quelques personnages politiques contemporains, comme Berlusconi qui inaugura la figure du « Président-Entrepreneur » au début des années 1990 ou le Président Trump qui a transféré sa marque de la « Trump Tower » à la Maison Blanche.
Pour dépasser le clivage droite-gauche, Emmanuel Macron combine la doctrine néo-managériale qui se prétend universelle et a-politique avec la vision moderniste de la « troisième voie et du nouveau centre ». Sa démarche politique est paradoxalement antipolitique : il s’agit d’une politique de dépolitisation, destinée à répo