Éducation

Rémunérer les enseignants au mérite ?

Inspecteur de l’Éducation nationale, président de l’institut de recherches de la FSU

La rémunération au mérite des enseignants, et plus largement des fonctionnaires, fait aujourd’hui figure de doxa. Elle paraît en effet frappée du sceau du bon sens, en ce qu’elle constituerait un facteur indéniable de motivation pour les professeurs, profitant ainsi au système scolaire dans son ensemble. Et pourtant, nombre d’études scientifiques prouvent le contraire. Une telle mesure témoignerait, en réalité, d’une méconnaissance profonde des logiques d’engagement propres aux agents de la fonction publique.

L’amélioration de la performance de l’action publique grâce à l’augmentation des rémunérations des fonctionnaires en fonction de leur engagement est une doxa aujourd’hui très largement affirmée. Pourtant, y compris chez des analystes libéraux, les publications ne manquent pas qui témoignent de la faiblesse des effets du salaire au mérite sur la qualité de l’action professionnelle et qui devraient donc nourrir le doute sur sa capacité à améliorer le service public.

Tout semble procéder d’une logique évidente et simple qui devrait s’imposer à nos jugements : si les enseignants étaient rémunérés au mérite, c’est-à-dire en fonction de leur capacité à faire réussir leurs élèves, cela constituerait un facteur de motivation profitable au système scolaire entier et à la démocratisation de la réussite scolaire. « La rémunération au mérite crée de l’émulation entre les enseignants. Elle renforce la prise en compte des élèves et de leurs résultats » affirmait Hervé Mariton. Puisque le principe d’une rémunération différenciée paraît porter un progrès évident, vouloir le contredire ne pourrait obéir qu’à des logiques corporatistes égoïstes et dépourvues des perspectives de l’intérêt général. Aussi, la résistance d’une grande partie des personnels et de leurs syndicats ne témoignerait que d’une vision jugée archaïque de la gestion des ressources humaines, incapable de rompre avec les principes classiques d’une rémunération uniforme des fonctionnaires variant essentiellement sur le point d’indice et l’ancienneté.

Depuis l’affirmation du dogme de rationalisation des choix budgétaires à la fin des années soixante, la rémunération au mérite est progressivement devenue un des éléments incontournables de tous les projets politiques de modernisation du service public. Au-delà de quelques variantes dans le discours et les mises en œuvre réglementaires, les alternances politiques n’ont entraîné aucune véritable rupture de fond sur le sujet. Emmanuel Macron ne fera pas exception, en annon


[1]. Par exemple 67% dans le sondage OpinionWay-Comdata group pour Les Échos : « Fonction publique : le soutien massif des Français à la réforme de Macron », février 2018.

[2]. James L. Perry, Trent Engbers, So Yun Jun, Back to the future? Performance-related pay, empirical research, and the perils of persistence, Public Administration Review, vol.69, n°1, janvier 2009.
Jone L. Pearce, James L. Perry, Federal merit pay: A longitudinal analysis, Public Administration Review n°43-4, pp.315-325.

[3]. Jone L. Pearce, William B. Stevenson and James L. Perry, Managerial Compensation Based on Organizational Performance: A Time Series Analysis of the Effects of Merit Pay, The Academy of Management Journal, vol. 28, n°2, juin 1985, pp. 261-278.
Clive Fletcher et Richard Williams, Performance Management, Job Satisfaction and Organizational Commitment, British Journal of Management, vol.7, n°1, pp.169–179, juin 1996.

[4]. OCDE, La rémunération liée aux performances dans l’administration, 2006, p.14.

[5]. François Poncelet, Le statut des fonctionnaires est-il soluble dans la construction européenne ? Table ronde, Salon de l’emploi public, Paris, 2 juin 2004.

[6]. DGAFP, Écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes dans la fonction publique : sous le prisme des inégalités de genre, mars 2015, p.6.

[7]. Françoise Guegot, L’égalité professionnelle hommes-femmes dans la fonction publique, p.24.

[8]. OCDE, La rémunération liée aux performances dans l’administration, 2006, p.15.

[9]. Nadine Esquieu, Être professeur en lycée et collège en 2002, Note d’information 03.37, MEN-DEP, juin 2003.
Françoise CLERC, Les futurs enseignants du second degré et leur formation, Spirales, n°12, 1994.

[10]. Agnès Van Zanten, Patrick Rayou, Enquête sur les nouveaux enseignants. Changeront-ils l’école ? Bayard, 2004.

Paul Devin

Inspecteur de l’Éducation nationale, président de l’institut de recherches de la FSU

Notes

[1]. Par exemple 67% dans le sondage OpinionWay-Comdata group pour Les Échos : « Fonction publique : le soutien massif des Français à la réforme de Macron », février 2018.

[2]. James L. Perry, Trent Engbers, So Yun Jun, Back to the future? Performance-related pay, empirical research, and the perils of persistence, Public Administration Review, vol.69, n°1, janvier 2009.
Jone L. Pearce, James L. Perry, Federal merit pay: A longitudinal analysis, Public Administration Review n°43-4, pp.315-325.

[3]. Jone L. Pearce, William B. Stevenson and James L. Perry, Managerial Compensation Based on Organizational Performance: A Time Series Analysis of the Effects of Merit Pay, The Academy of Management Journal, vol. 28, n°2, juin 1985, pp. 261-278.
Clive Fletcher et Richard Williams, Performance Management, Job Satisfaction and Organizational Commitment, British Journal of Management, vol.7, n°1, pp.169–179, juin 1996.

[4]. OCDE, La rémunération liée aux performances dans l’administration, 2006, p.14.

[5]. François Poncelet, Le statut des fonctionnaires est-il soluble dans la construction européenne ? Table ronde, Salon de l’emploi public, Paris, 2 juin 2004.

[6]. DGAFP, Écarts de rémunérations entre les femmes et les hommes dans la fonction publique : sous le prisme des inégalités de genre, mars 2015, p.6.

[7]. Françoise Guegot, L’égalité professionnelle hommes-femmes dans la fonction publique, p.24.

[8]. OCDE, La rémunération liée aux performances dans l’administration, 2006, p.15.

[9]. Nadine Esquieu, Être professeur en lycée et collège en 2002, Note d’information 03.37, MEN-DEP, juin 2003.
Françoise CLERC, Les futurs enseignants du second degré et leur formation, Spirales, n°12, 1994.

[10]. Agnès Van Zanten, Patrick Rayou, Enquête sur les nouveaux enseignants. Changeront-ils l’école ? Bayard, 2004.