D’un perroquet à l’autre
Virale de part en part, l’étonnante histoire de la fièvre du perroquet ou psittacose qui éclata entre 1929 et 1930 s’est déroulée en trois temps. Elle mobilise pendant quelques semaines ces oiseaux de compagnie très « charismatiques », la presse, et les plus hautes institutions nord-américaines.

Cet épisode tragi-comique de santé publique rapporté par le prix Nobel Peter Doherty[1] se joue à la croisée de l’épidémiologie sociale, des médias et de la vulgarisation scientifique, de la psychologie des masses enfin, dans un contexte très particulier : dans le sillage de la Grande Dépression, et alors qu’insiste l’évocation encore vivace de la grippe espagnole de 1918, cette pandémie qui fit une cinquantaine de millions de morts (né en Chine, le virus de la grippe en question avait muté aux États-Unis en passant du canard au porc puis à l’homme, avant de se répandre partout).
Cette fois, tout commence le plus aimablement du monde sous un sapin de Noël : à Annapolis, un père de famille, un dénommé Simon Martin, offre un perroquet aux siens. Mais, yeux bouffis, tête pendante, plumes froissées, l’oiseau dépérit et ne tarde pas à mourir. Peu après, le 6 janvier, trois membres de cette famille se trouvent étrangement mal à leur tour. Leur médecin alerte aussitôt les autorités sanitaires de l’État du Maryland.
C’est qu’il avait lu un article sur une fièvre qui avait sévi quelques mois auparavant en Argentine et qui semblait joindre aux symptômes de la pneumonie ceux de la typhoïde. Ce syndrome inconnu – perversement venu des Tropiques via les perroquets et les perruches – s’y était avéré contagieux et mortel. Washington informé du danger à son tour dépêche une délégation du US Public Health Service.
Acte II, la presse (le Washington Post d’abord, puis le Chicago Daily Tribune et le San Francisco Chronicle) s’en mêle : elle fait sensation en multipliant informations contradictoires, recensions de cas, supputations, nécrologies et recettes-miracle. C’est alors qu’entre en scène