International

Annuler la dette de l’Afrique de Paris à Pékin

Sinologue et socio-économiste

Les anciennes puissances coloniales ont gardé une mainmise sur l’Afrique en apportant leur aide financière dans de grands projets d’infrastructure, à l’instar de la France dans la mise en place du TGV au Maroc. La Chine a fait de même avec la voie ferrée reliant Djibouti et Addis-Abbeba. Par là-même, la France et la Chine cherchent à soutenir leur économie, d’autant plus que les crédits octroyés se révèlent rentables avant même d’être remboursés. Dès lors, pourquoi ne pas annuler les dettes qui pèsent sur le budget de ces pays africains ?

Dans un article récemment paru sur le site du China Africa Research Initiative de l’Université Johns Hopkins, je montre que les anciennes puissances coloniales n’ont pas abandonné l’Afrique comme veut le laisser croire un narratif bien rodé et répété à satiété. Il en est de même concernant les prêts, même si dans ce cas aucun pays seul ne peut concurrencer le volume proposé par la Chine pour des travaux d’infrastructure.

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Dans deux notes récentes[1], j’ai traité du coût des travaux pour la construction de la ligne de chemin de fer entre Addis-Abeba et Djibouti. J’y exposais que les conditions du prêt octroyé par l’ExIm Bank étaient mal adaptées à des pays aussi pauvres que l’Éthiopie et Djibouti et pour un projet de ce type. Dans cette brève note, je prendrai l’exemple du Maroc pour remettre en perspective ces problématiques.

Le choix du TGV marocain s’imposait car il a été considéré par la presse marocaine d’opposition comme un investissement dispendieux, surdimensionné et uniquement destiné à nourrir l’image du Roi du Maroc. Je ne discuterai pas de la pertinence de ces observations qui rejoignent celles que j’ai formulées pour le projet de voie ferrée Djibouti – Addis-Abeba. Dans le même temps, le dossier donne des éléments de comparaison particulièrement instructifs.

Ce ne sont pas moins de huit financeurs qui concourent au projet.

Le plan de financement a été établi par l’AFD en 2011 pour un projet dont l’horizon était 2018. Ce qui est notable d’emblée est la multiplicité des bailleurs. Au lieu d’une confrontation entre la seule ExIm Bank de Chine et le gouvernement djiboutien (ou éthiopien selon le tronçon), ce ne sont pas moins de huit financeurs qui concourent au projet.

En d’autres termes, l’évaluation de la faisabilité et de la rentabilité n’était pas laissée à deux partenaires isolés éventuellement complices, mais était confiée à une pluralité de parties prenantes aux intérêts potentiellement divergents. Certes, les financements sur fonds franç


[1] « China’s Infrastructure-Heavy Model for African Growth Is Failing » publié par The Diplomat le 30 juillet 2020 et « Djibouti’s Chinese Debt » publié par The China-Africa Project le 31 juillet 2020.

Thierry Pairault

Sinologue et socio-économiste, directeur de recherche émérite au CNRS et membre du Centre de recherche sur la Chine moderne et contemporaine de l’EHESS

Mots-clés

Dette

Notes

[1] « China’s Infrastructure-Heavy Model for African Growth Is Failing » publié par The Diplomat le 30 juillet 2020 et « Djibouti’s Chinese Debt » publié par The China-Africa Project le 31 juillet 2020.