Colonial, décolonial, postcolonial, psychanalyse
Après la Seconde Guerre mondiale, l’ère des indépendances succéda à celle des empires coloniaux. Très vite, des postures postcoloniales firent leur apparition, jusqu’à occuper le devant de la scène à partir de la décennie 1980. Les intellectuels qui en portaient les couleurs voulaient évoquer les séquelles vives de la colonisation, mais aussi proposer une histoire de l’humanité dont le point d’équilibre ne serait pas l’Occident industriel. Animés de cette double visée, ils mobilisèrent les outils de la psychanalyse avec d’autant plus d’empressement que quelques-uns d’entre eux étaient aussi psychanalystes. Le discours et les notions analytiques contribuèrent ainsi à alimenter des modes de conceptualisation critiques que nul, aujourd’hui, ne peut tout à fait ignorer.
La psychanalyse a cependant fait l’objet, dans le même temps, de vives attaques. Sollicitée, mobilisée, utilisée ou détournée de façons diverses, elle s’est trouvée interpellée de façon tantôt acerbe, tantôt plus nuancée, mais avec bien souvent comme un soupçon de méfiance. Sous le masque à grelots du psychanalyste « engagé », prêt à monter sur les barricades, on semble encore et toujours craindre de voir apparaître le visage grimaçant du petit tyran domestique, praticien d’une « science bourgeoise ».
L’objectif de ces quelques pages n’est pas de faire le point sur l’ensemble de cette situation compliquée, mais de donner un peu de matière à penser. Si certains contresens sont, en passant, dissous à propos de questions inflammables, nous aurons fait davantage qu’il n’était d’abord envisagé.
Psychanalyse en temps de colonisation : pas toujours blanche, pas toujours noire
Dans les empires coloniaux, à côté d’une offre de soin parfois honnête se développa une psychiatrie dont l’un des objectifs semble avoir consisté à donner bonne conscience au colonisateur en proclamant l’infériorité intellectuelle des « indigènes ». Il n’est guère utile de refaire le catalogue raisonné des aberrations proférées