Dépasser les fractures de l’identité
C’est un débat qui a fait couler beaucoup d’encre, diffusé en février sur France 2, et qui opposait Marine Le Pen au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Du débat, on a surtout retenu cette course à l’échalote dans laquelle le ministre reconnaît à son adversaire qu’elle est « républicaine », mais « trop molle », « branlante », sur les questions liées à l’islam, tandis que celle-ci déclare qu’elle « aurait pu écrire » le livre signé par le ministre sur le séparatisme islamiste.

Du débat, je retiendrai plutôt une autre séquence, qui a ravi les détracteurs de Madame Le Pen. Dans cette séquence, Marine Le Pen affirme qu’en 2019, la France a délivré 461 000 permis de séjour à des étrangers. Elle est immédiatement reprise par le ministre et par les deux journalistes, Léa Salamé et Thomas Sotto, qui s’empressent de dégainer un graphique qu’ils avaient sous la main et qui montre que la France, cette année-là, n’en a en fait accordé « que » 277 000. Et chacun de jubiler que Marine Le Pen ait ainsi été prise en défaut.
Mais que se serait-il passé si Marine Le Pen s’était trompée dans l’autre sens ? Si elle avait sous-estimé le nombre de permis de séjour ? Il y a fort à parier que personne ne l’aurait corrigée, ou alors discrètement. Et la présidente du Rassemblement National aurait eu beau jeu de s’horrifier d’être en dessous de la réalité. Comme si une politique migratoire efficace était forcément une politique restrictive. Comme s’il fallait absolument montrer « qu’on n’accorde pas tant de titres de séjour que ça ». Qu’on ne s’y trompe pas : l’objectif pour le Rassemblement National, c’était que ce graphe soit montré à l’antenne, sans explications. Car c’est bien cela, l’image qui reste pour le téléspectateur : que ce soient 277 000 ou 461 000, c’est beaucoup, c’est trop, et ça augmente sans cesse.
Pourtant on parle ici de l’immigration régulière, mais on ne dit jamais qui sont ces gens. Ce sont des étudiants (33 %), des conjoints qui se retrouvent, ou des enf