Théologie de la propriété
Dans la dernière encyclique du Pape François, Fratelli Tutti, on retrouve l’affirmation suivante : « La tradition chrétienne n’a jamais reconnu comme absolu ou intouchable le droit à la propriété privée, et elle a souligné la fonction sociale de toute forme de propriété privée. Le principe de l’usage commun des biens créés pour tous est le “premier principe de tout l’ordre éthico-social” ; c’est un droit naturel, originaire et prioritaire. (…) Le droit à la propriété privée ne peut être considéré que comme un droit naturel secondaire et dérivé du principe de la destination universelle des biens créés. »

En s’inscrivant dans la perspective d’une transition écologique et d’une politique de lutte contre les inégalités, cette relation entre christianisme et propriété interroge : la religion constitue-t-elle une forme de conjuration de la propriété capitaliste ? Au vu de son rôle structurant dans l’histoire de l’Occident, n’en a-t-elle pas aussi fourni les soubassements théologiques ? Pour éclairer ce paradoxe, il est nécessaire de revenir sur la généalogie du rapport entre propriété et religion pour ensuite envisager une justification de la propriété dans une approche par le commun.
Comme le montre bien Fustel de Coulanges dans son célèbre ouvrage La Cité antique, l’idée de propriété privée avait des fondements religieux chez les Anciens, et plus particulièrement chez les Grecs et les Romains. « Ce ne furent pas les lois qui garantirent d’abord le droit de propriété, ce fut la religion.[1] » Cette propriété n’était cependant pas sacrée au sens où nous l’entendons aujourd’hui. Elle reposait avant tout sur les dieux des foyers domestiques.
Chaque famille avait son dieu s’installant dans sa demeure, prenant ainsi possession du sol. La famille est ainsi attachée à sa terre qui devient sa propriété sacrée, garantie par la bienveillance des dieux intérieurs que l’on appelle les Penates chez les Romains. Chaque foyer est protégé par une enceinte qui le protège et qui