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Rwanda : la restauration autoritaire au prix d’un génocide

Politiste

Un mois après la publication du rapport Duclert, qui pointait la responsabilité de l’État français dans le génocide des Tutsi au Rwanda, le parquet de Paris a requis ce lundi 3 mai un non-lieu contre l’armée française, accusée d’inaction lors des massacres de Bisesero fin juin 1994. Les notes rédigées par Jean-François Bayart pour le ministère des Affaires étrangères, de 1990 à 1994, soulignent les funestes erreurs d’un noyau de responsables ayant privilégié l’« ordre par la voix », sans tenir compte des avertissements prodigués par d’autres centres de pouvoir.

La publication quasi simultanée de deux rapports importants sur la responsabilité de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda, en 1994, a marqué l’actualité du mois d’avril. L’un a été commandité par le président Emmanuel Macron, et confié à un collectif d’historiens dirigé par Vincent Duclert. L’autre a été réalisé à la demande du gouvernement rwandais par un cabinet américain, Levy Firestone Muse LLP.

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Chacun de ces deux documents comporte ses propres limitations qu’expliquent, au moins en partie, la composition et la méthodologie des équipes qui les ont rédigés. Leur lecture est néanmoins précieuse pour comprendre l’une des plus grandes tragédies politiques du XXe siècle.

Ils ouvrent la porte à de nouvelles recherches, nécessaires, qui ne pourront négliger leur contribution. Sans même parler de la possibilité qu’ils offrent à un rapprochement diplomatique entre la France et le Front patriotique rwandais dont on se demande pourquoi il a fait l’objet d’un tel ostracisme de la part de Paris, alors même qu’il n’avait jamais fermé la porte à la négociation tout au long du conflit qui l’a opposé au régime de Juvénal Habyarimana, de 1990 à 1994, et qu’une partie des diplomates français en charge du dossier plaidaient en ce sens, à l’image de l’ambassadeur à Kampala, Yannick Gérard.

Pour prendre la mesure de la démesure de la politique française de l’époque, il convient de rappeler que Paul Kagame, le leader du FPR en visite officieuse à Paris en août 1991 pour rencontrer les responsables du Quai d’Orsay, y a été arrêté au saut de son lit, dans sa chambre d’hôtel, par les services secrets ; et que l’état-major particulier du président de la République qualifiait les combattants du FPR de « Khmers noirs ». Une politique toute en nuances…

Avant même de revenir sur cet aveuglement du président François Mitterrand et de son entourage, soulignons que la lecture des rapports dissipe deux préjugés quant aux guerres en Afrique. Le premier d’entre eux a trait à leu


 

Jean-François Bayart

Politiste, Professeur à l'IHEID de Genève titulaire de la chaire Yves Oltramare "Religion et politique dans le monde contemporain"

Notes