L’émotion, un impensé dans l’affaire Sarah Halimi

L’émotion est au cœur de l’affaire Sarah Halimi. Elle en est peut-être aussi l’un des impensés. L’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 14 avril 2021 n’a pas fini de faire parler de lui. Il a suscité beaucoup d’émotions de la part de la famille de la victime et du public (des milliers de manifestants en avril).
Les conclusions orales de l’avocat général commencent par souligner le caractère affreux du crime commis par Kobili Traoré à l’encontre de sa voisine, Mme Halimi (65 ans, médecin), qu’il a battue et défenestrée.
Il est question, dans la lettre mensuelle de la chambre criminelle de la Cour de cassation, des émotions de K. Traoré qui auraient été totalement modifiées par son état de démence puisqu’y est cité un expert faisant état d’un « délire persécutif polymorphe, à thématique mystique et démonopathique, marquée par le manichéisme, avec une extrême variabilité de l’humeur et des émotions, une agitation psychomotrice, un vécu d’angoisse paroxystique et de danger de mort, éprouvé et agi avec une adhésion totale ». L’un des experts, critiqué, regrette que même des juristes aient succombé à la force des émotions.
Le terme d’émotion est ainsi omniprésent dans cette affaire. Tout se passe comme s’il était évident et qu’il ne devait pas interférer avec le raisonnement implacable de la Cour de cassation.
Un raisonnement implacable de la Cour de cassation
L’article 122-1 du code pénal, qui prévoit que « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes », ne distingue pas selon la cause de la démence. Peu importe que l’auteur du crime n’ait pas été en état de démence au moment où il a pris de la drogue ; au moment du crime, il n’avait plus aucun discernement.
Le juge doit appliquer la loi pénale strictement et ne pas distinguer là où la loi ne distingue pas : autrement dit, il n’y a pas de distinction à f