Le mal de terre : lutte géosociale à Porquerolles

Cela ne s’arrête jamais. Les problèmes ne me laissent jamais tranquille. Ils me suivent quand je lis le journal, dégoulinent sur mes épaules quand je me douche, remplissent mon panier quand je fais mes courses. Ils me suivent jusque dans mes rêves.
Lorsque, allongé dans mon appartement, je tente de m’endormir malgré la canicule, je sais que le ventilateur, sans lequel le sommeil ne sera pas possible, fait exploser ma consommation d’énergie. Le jour, alors que je me mets au travail, je sais que la chose que j’ai toujours souhaitée – mon nom sur un livre imprimé – contribue à la déforestation. Comment rêver la nuit quand sa dernière pensée consciente est un vertige moral sur ce qui rend le sommeil possible ? Comment rêver le jour dès lors que la chose même qui fait que vous vous leviez le matin vous rend complice de la catastrophe ?
Les problèmes suivent chacun de mes pas ; non, ils sont mes empreintes. Alors, je pars en vacances pour déconnecter. Je veux me déconnecter des traces que mon existence laisse derrière elle, me détacher de ses conséquences matérielles. Je voudrais être une île ! Alors, c’est sur une île que je m’échappe.
Une île n’est pas une île
Je fuis vers l’île de Porquerolles, célèbre pour ses eaux bleues cristallines, sa flore, faune et paysages paradisiaques, lieu où mon ami Victor me propose une semaine d’hébergement sur son vieux voilier familial en bois, le Timia. L’île parfaite, l’isolement parfait, l’évasion parfaite. Du moins, c’est ce que je pensais. À peine un jour après mon arrivée, je croise une vieille femme visiblement désespérée qui me rappelle qu’aujourd’hui même une île n’est pas un lieu isolé : « Ne pouvez-vous pas trouver un autre endroit où aller ? J’ai marché toute la matinée, mais je ne trouve pas d’endroit où me reposer. J’ai vécu sur l’île toute ma vie, mais il n’y a pas de place pour moi. Il n’y a pas un seul mètre de plage pour moi. Je suis née ici – je suis porquerollaise – mais je ne sais pas où aller. »
Elle fait