Numérique

Le métavers, de l’économie de l’attention à l’économie du corps-zombie

Consultante, Philosophe des sciences, Philosophe

Le patron de Facebook et Instagram Mark Zuckerberg a récemment annoncé sa volonté d’investir dans le métavers, une version gamifiée de l’internet de objets et de la réalité virtuelle. Les réseaux sociaux étaient déjà une forme de prison culturelle attentionnelle et économique pour les corps. Bien plus qu’une simple innovation technologique, le métavers accompagne désormais l’émergence d’une nouvelle économie politique du corps zombifié dont il est urgent de mesurer les risques, en particulier pour les plus jeunes.

Le 28 octobre dernier Mark Zuckerberg, PDG de Facebook, annonçait le changement de nom de son entreprise. Facebook devenait « Meta » en référence à l’ambition qui est désormais celle de la firme de Menlo Park d’être à la pointe du futur d’internet grâce à son investissement dans une technologie supposée révolutionnaire : le métavers.

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Le « métavers » est le nom donnée à un monde fictif reposant sur des espaces virtuels persistants et partagés, accessibles via des technologies de restitution de la sensorialité. À l’image de la conquête spatiale américaine, l’ambition du métavers marque un changement de paradigme dans la manière dont l’homme conçoit son environnement immédiat. La possibilité du métavers re-modélise notre rapport à la réalité. « Rapport » à la réalité et non construction d’une autre réalité, car à bien des égards, la réalité alternative que nous offre le métavers est bien plutôt diminuée qu’augmentée.

Le métavers comme nouveau régime de contrôle de la sensorialité

Adossée à l’internet des objets et aux objets connectés, ce projet s’appuie sur un imaginaire transhumaniste typique de la Silicon Valley, passée maître dans l’art de la transposition des références issues de la science-fiction à un marketing agressif composé de trailers cinématographiques et de discours prophétiques inspirés par la doctrine du « moonshot ». « L’impossible » rendu accessible par la sacro-sainte digitalisation totale de nos activités sociales, biologiques, affectives…

Face à un tel délire scientiste et publicitaire, il serait facile de passer du registre techno-critique à la technophobie pure et simple, tant les discours des avatars contemporains du « bluff technologique »[1], de Musk à Zuckerberg paraissent aussi niais que toxiques pour l’esprit public.

Nous préférons pourtant au terme de techno-critique, celui de « techno-réflexivité » associé au travail du philosophe Bernard Stiegler et de l’anthropologue et préhistorien André Leroi-Gourhan, qui montrent que la nat


[1] Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jacques Ellul, Le bluff technologique, Fayard, 2012.

[2] Bernard Stiegler, « Métamorphose de la parenté et anthropologie du capital », séance conclusive du séminaire Ars Industrialis du printemps 2014.

[3] Darian Leader, Mains. Ce que nous faisons d’elles et pourquoi, Albin Michel, 2017.

[4] Voir la conférence du psychiatre Alain Vanier au Collège de France pour la « Semaine du son » de 2013.

Audrey Boulard

Consultante

Eugène Favier-Baron

Philosophe des sciences, Doctorant à l'Université Libre de Bruxelles et à l'Université Grenoble Alpes

Simon Woillet

Philosophe, Professeur de philosophie et doctorant en littérature comparée

Notes

[1] Pour reprendre le titre de l’ouvrage de Jacques Ellul, Le bluff technologique, Fayard, 2012.

[2] Bernard Stiegler, « Métamorphose de la parenté et anthropologie du capital », séance conclusive du séminaire Ars Industrialis du printemps 2014.

[3] Darian Leader, Mains. Ce que nous faisons d’elles et pourquoi, Albin Michel, 2017.

[4] Voir la conférence du psychiatre Alain Vanier au Collège de France pour la « Semaine du son » de 2013.