Pourquoi il faut (re)voir West Side Story avant la présidentielle
Comme la scène politique française, le monde de West Side Story paraît polarisé à l’extrême. Sans laisser de place aux citoyens lamba, deux factions se partagent le terrain.
À ma droite, les Jets de Riff : identitaires frustrés, ils se sentent menacés et font valoir la loi du premier occupant. Les Jets n’ont pas de mérites particuliers : ce sont du « white trash », des « poubelles blanches », déclassées, méprisées, sans emploi ni avenir. Ils n’ont pas grand-chose à faire valoir, sinon qu’ils n’entendent pas céder le terrain.
Les Jets ont eux-mêmes été des migrants : leurs noms sont polonais ou italiens. Leurs titres sont fondés uniquement sur ce qu’ils sont nés ici, disent-ils, dans ce pays dont ils ne sont pourtant pas les « natifs ». Leurs prétentions à posséder le terrain paraissent donc fragiles, mal fondées.

On peut toujours leur répondre comme au premier Manuel Valls venu qu’eux-mêmes viennent d’ailleurs. Après tout, le pays ne leur a pas appartenu de toute éternité. Au West Side comme en France, nous sommes tous des enfants d’immigrés. Les grands-parents ou les ancêtres des Jets sont venus s’installer ici un jour, nul ne le nie. Mais les Jets n’ont que faire de l’histoire. Ils vivent avec une unique conviction aux tripes : ce pays est désormais le leur et ils sont prêts à tout pour ne céder le terrain à personne – et surtout pas aux nouveaux envahisseurs.
À ma gauche, donc, et face aux Jets, se tiennent les Sharks de Bernardo. Comme des coqs virils à l’énergie nouvelle, ils font entendre la voix des migrants conquérants. Fraîchement débarqués, ils envahissent tout de leur linge qui pend aux fenêtres. On dit d’eux qu’ils se multiplient comme des lapins. De fait, les anciennes enseignes de boutiques passent en leur possession.
Physiquement, on a parfois du mal à les distinguer des Jets mais on les reconnaît sans peine à quelques signes extérieurs : par exemple, le drapeau de leur pays d’origine, porté en étendard ou s’étalant sur de vastes murs peints