Poutine n’est pas la Russie
Alors que nous observons, choqués et horrifiés, les chars russes se rapprocher des principales villes ukrainiennes, dont Kiev, la question qui vient à l’esprit est la suivante : pourquoi le président russe, Vladimir Poutine, fait-il cela à un pays voisin par ailleurs pacifique, une culture qu’il a qualifiée de « fraternelle » vis-à-vis de celle de la Russie, et pourquoi maintenant ?
Il est plus difficile de répondre à la question « Pourquoi maintenant ? » qu’à celle de « Pourquoi l’Ukraine ? », peut-être. Mais il convient de noter que l’Ukraine ne représente peut-être pas la fin des aspirations géopolitiques de M. Poutine, mais plutôt la poursuite de ses efforts des dix dernières années. Alors que l’Europe, les États-Unis et l’Occident en général étaient distraits par leurs propres politiques internes marquées par la division et la polarisation, et convaincus que la menace résidait dans la montée en puissance de la Chine et non dans le déclin supposé de la Russie, M. Poutine, lui, travaillait au redressement de la Russie.

Au cours des trente années qui ont suivi l’effondrement de l’empire soviétique, la Russie contemporaine a réactivé de nombreux instruments de projection de puissance mondiale. Elle n’a pas entièrement rétabli la sphère de pouvoir géographique de l’Union soviétique, mais la Russie n’est pas non plus une simple puissance locale ou régionale. La Russie est un acteur important (parfois le plus important) dans un certain nombre de secteurs économiques cruciaux pour l’économie mondiale – notamment les secteurs du pétrole et du gaz (non seulement au niveau des ventes, mais aussi du contrôle des pipelines essentiels), l’énergie nucléaire, l’aluminium, le blé, les métaux précieux, ainsi que la production et la vente d’armes conventionnelles, pour ne citer que quelques secteurs.
Le champ d’action de la Russie s’est également étendu au Moyen-Orient grâce à son soutien à Bachar el-Assad en Syrie, à l’utilisation de ses militaires et de ses mercenaire