Le ministère de l’e-Éducation nationale
Depuis quelques années, les industriels (équipementiers, sociétés de services informatiques et de télécommunication) et les marchands du numérique, GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) en tête, sont montés à l’assaut de l’éducation nationale et de l’école publique, jusqu’alors considérées comme des biens communs inaliénables. Leur objectif ? Numériser, pour les marchandiser, des pans entiers du champ éducatif et de l’activité pédagogique (cours, exercices, correction, notation, aide aux devoirs…), transformant radicalement le métier d’enseignant et dépossédant dans le même temps les professeurs et la communauté éducative de leurs savoirs et de leurs savoir-faire.
Progressivement abandonné depuis une quarantaine d’années par les gouvernements successifs et les pouvoirs publics, l’enseignement – de la maternelle au lycée, et jusqu’à l’université[1] – tend aujourd’hui à devenir un vaste marché laissé à la voracité et à la cupidité des géants du numérique et d’Internet, et de la myriade de start-up de la « EdTech »[2].

En France, Jean-Michel Blanquer, qui a réussi l’exploit de demeurer ministre de l’Éducation nationale durant tout le quinquennat d’Emmanuel Macron, est un partisan convaincu et un fervent promoteur des technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement (TICE)[3]. En janvier 2018, pour la première fois dans l’histoire du ministère de l’Éducation nationale, le ministre a créé le Conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN)[4], plaçant à sa tête le neuropsychologue Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France et expert en apprentissages par le numérique.
Premier ministre de l’Éducation nationale à inaugurer, en novembre 2017, un fonds d’investissement dédié au secteur de l’éducation numérique (Educapital)[5], Jean-Michel Blanquer est également l’instigateur du « lab 110 bis », un « laboratoire d’innovation » créé en juin 2018 et logé au sein même du ministère, offrant « à tous les acteurs de l’Édu