Savoirs

Bouveresse au prisme de Musil : l’essai comme forme de pensée

Philosophe

Il y a tout juste un an mourrait le philosophe Jacques Bouveresse. D’abord simple lecteur, puis devenu proche par les hasards de la vie, Jean-Claude Monod revient – en écho à l’« hommage philosophico-politique » qu’il fait paraître ces jours-ci – sur l’importance qu’accordait l’auteur de La Rime et la raison au problème du type d’écriture, de forme, de pensée qui est celui de l’essai.

Il y a des livres qui sont comme le fruit d’une longue maturation, le résultat d’une élaboration patiente, dont l’auteur a conçu l’ordre, le plan, le développement, consignant les conclusions d’une recherche. Mais il y en a qui naissent plutôt sous le coup d’une émotion et s’écrivent d’un trait, et qui gardent quelque chose d’irréfléchi, de spontané, de moins « fini ». Dans le vaste genre des essais, les deux types d’ouvrages existent, ce que la souplesse propre à ce genre permet.

Le bref ouvrage que je publie en hommage à Jacques Bouveresse, La Raison et la colère, appartient à la deuxième catégorie, la tristesse du soudain décès de l’auteur de La Rime et la raison s’étant épanchée en des pages dont j’ignorais si elles finiraient dans un tiroir ou sous une couverture brochée.

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C’est aussi qu’en m’aventurant à mêler à des réflexions sur cette œuvre, que je n’avais pas cessé de lire depuis mes années d’apprentissage de la philosophie, des souvenirs de conversations et des témoignages sur un homme que les hasards de la vie m’avaient fait fréquenter sur un mode privé, je craignais d’enfreindre une certaine injonction au silence sur l’accessoire et la vie privée qui traverse aussi bien ses commentaires sur Wittgenstein que ses écrits sur la critique, par Karl Kraus, des empiétements de la presse sur la sphère privée des individus.

Mais il m’apparaît aujourd’hui que Bouveresse, au-delà de cette méfiance envers la place croissante du biographique dans la philosophie et de l’impression d’une sorte de « rigorisme de la vérité » (pour paraphraser Hans Blumenberg) qui peut se dégager de certaines de ses interventions, a fait une place importante au problème du type d’écriture, de forme, de pensée qui est celui de l’essai, notamment au prisme de l’un de ses auteurs favoris : Robert Musil.

« De l’essai, on peut dire qu’il soumet la pensée personnelle à un processus d’objectivation aussi poussé qu’il est possible, mais qui ne va cependant pas, pour des raisons qui tienn


[1 Les Voix de l’âme et les chemins de l’esprit, Seuil, 2001, p. 406

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Ibid. p. 136

[5] La Demande philosophique, Éditions de l’éclat, 1996, p. 148

[6] Nietzsche contre Foucault, Sur la vérité, la connaissance et le pouvoir, Éditions Agone, 2016

[7] Cité in Les Voix de l’âme et les chemins de l’esprit, p. 414

[8] Ibid., p. 400

[9] Éditions Agone, 2000

[10] Essais I, p. V

[11] Ibid.

Jean-Claude Monod

Philosophe, Directeur de recherche en philosophie au CNRS

Notes

[1 Les Voix de l’âme et les chemins de l’esprit, Seuil, 2001, p. 406

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Ibid. p. 136

[5] La Demande philosophique, Éditions de l’éclat, 1996, p. 148

[6] Nietzsche contre Foucault, Sur la vérité, la connaissance et le pouvoir, Éditions Agone, 2016

[7] Cité in Les Voix de l’âme et les chemins de l’esprit, p. 414

[8] Ibid., p. 400

[9] Éditions Agone, 2000

[10] Essais I, p. V

[11] Ibid.