Société

La « doctrine Lallement » ou la conception illibérale de l’espace public

Philosophe

Vivement critiqué pour sa gestion de la finale de la Ligue des champions samedi soir au Stade de France, le Préfet de police de Paris Didier Lallement réserve une place particulière aux Brigades de répression de l’action violente motorisées (BRAV-M) dans sa doctrine de maintien de l’ordre. Souvent comparées aux anciens « voltigeurs », responsables de la mort de Malik Oussekine, les BRAV-M sont effectivement animées par une logique semblable, que l’on retrouve dans leurs interventions comme dans la symbolique qui les accompagne, en cohérence avec l’imaginaire liberticide qui se lit dans les prises de parole du Préfet Lallement.

Didier Lallement est vivement critiqué depuis samedi soir et la gestion de la finale de la Ligue des champions à Paris. Les interventions policières ont laissé sous le choc les supporters anglais et espagnols, qui ne connaissaient pas – à la différence des manifestants parisiens – la façon dont le préfet de police entend traiter l’espace public.

Objet de polémiques et d’appels à la démission récurrent, Didier Lallement est notamment connu pour avoir créé, dès son arrivée à Paris en mars 2019, les BRAV (Brigades de répression de l’action violente), dont les BRAV-M (les BRAV motorisées), qui se sont illustrées samedi soir : ces policiers vêtus de noirs arrivent dans les manifestations par groupes sur de puissantes motos.

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L’Observatoire parisien des libertés publiques (OPLP) a observé les pratiques de maintien de l’ordre sur plus de soixante manifestations depuis mai 2019. Il en ressort le fait que la BRAV-M est détestée des manifestants, qu’elle envenime les situations en usant de la violence de manière insensée, et qu’elle cristallise à elle seule la plupart des caractéristiques qui font de la « doctrine Lallement » l’expression d’une conception illibérale de l’espace public[1].

La BRAV-M est pourtant emblématique de l’action du préfet, qui semble en être fier au point d’arborer l’écusson de cette unité sur son blouson lors de sorties publiques. Elle est pourtant très décriée depuis sa création, notamment à cause de sa ressemblance avec les voltigeurs, responsables de la mort de Malik Oussekine, en 1986. Que signifie alors sa présence, depuis plus de trois ans, dans les manifestations ? Pourquoi Didier Lallement, malgré les polémiques à répétition, est-il maintenu en poste par le pouvoir exécutif ?

Les équipements, attitudes et positionnements donnent aux unités de BRAV-M un « style » qui les distingue au premier coup d’œil d’autres forces de l’ordre (FDO)[2] que l’on a l’habitude de voir sur la voie publique. Les BRAV-M sont souvent dénoncées comme une renaissance des voltigeurs. Didier Lallement refuse cette analogie entre les deux unités, arguant du fait que les BRAV-M se déplacent à moto, mais n’interviennent qu’à pied. La différence est effectivement non négligeable puisque les voltigeurs pouvaient matraquer tout en roulant sur leurs motos. Mais cela ne doit pas faire oublier le fait que le Peloton de voltigeurs motoportés (PVM) a été dissout à la suite d’un événement où ses agents étaient à pied : le meurtre de Malik Oussekine, battu à mort dans une entrée d’immeuble. Ce n’était donc pas seulement un mode d’intervention qui posait problème avec le PVM, mais peut-être plutôt une « logique d’intervention » fondée sur la manière dont ses agents se représentaient l’espace public et ses usages.

C’est ce que le journal Le Monde expliquait le 9 décembre 1986, dans un article titré « Les “nettoyeurs” du peloton voltigeur motocycliste » : « Très utilisés durant les innombrables manifestations des années 70, les PVM ont été ensuite moins employés. On les avait néanmoins encore vus lors des manifestations étudiantes du printemps 1983, mais M. Pierre Joxe en avait rapidement interdit l’emploi. La logique d’intervention de ces unités, disait-on alors au ministère de l’Intérieur, pousse à la bavure. Chargés théoriquement de faire la course aux irréductibles, les policiers des PVM, une fois sur le terrain, avaient tendance à penser que tout manifestant, badaud ou curieux traversant leur chemin était l’un de ces “casseurs” qu’ils pourchassaient. »

Les observations menées avec l’OPLP montrent une BRAV-M animée par une logique similaire, que l’on retrouve dans ses interventions comme dans la symbolique qui l’accompagne, en cohérence avec l’imaginaire liberticide qui se lit dans les prises de parole du préfet de police.

Une BRAV-M est une unité constituée par trente-six policiers ou gendarmes, venant de services différents[3], se déplaçant sur dix-huit motos noires, puissantes et banalisées. Les agents sont eux-mêmes vêtus de noir, en vêtements de motards, casques sur la tête, si bien que leur qualité de policiers n’est pas toujours visible au premier coup d’œil. L’arrivée de la BRAV-M, avant même qu’elle n’entre en action, est toujours bruyante, impressionnante et intimidante. Or, dans le contexte de la manifestation et du maintien de l’ordre, le déploiement de symboles est primordial, et la question de l’apparence n’a donc rien de superficiel. Le déploiement d’unités qui, pour un œil non averti, font d’abord penser à des bandes de bikers, n’a donc rien d’anodin.

La manifestation est en effet un mode d’action que l’on peut qualifier de symbolique. Elle prend son sens par le message qu’elle déploie, qui se veut souvent être une démonstration de force, par laquelle des groupes sociaux ou politiques cherchent à peser dans le débat public, notamment lorsqu’ils considèrent que les rapports de force politiques ont conduit à étouffer leurs voix ou invisibiliser leurs intérêts. La manifestation joue donc sur le déploiement de symboles, qui visent à produire un avertissement à l’encontre du pouvoir visé.

Ce mode d’action est de ce fait une garantie démocratique indispensable, puisqu’il peut permettre de rééquilibrer un rapport de force politique devenu injuste. Mais la manifestation ne peut jouer son rôle qu’à condition de pouvoir déployer sa symbolique de mise en garde, à condition, donc, de ne pas être assujettie par les forces de police[4].

D’autre part, le maintien de l’ordre obéit lui aussi à des logiques de symboles : ses stratèges prennent très au sérieux les questions de style et d’apparence des forces de l’ordre, car les réactions de la foule y sont sensibles[5].

Ainsi, chez les CRS et Gendarmes mobiles (GM), le port du casque n’est pas qu’une question de protection individuelle, c’est aussi un message envoyé aux manifestants : le casque est porté ou retiré sur ordre de la hiérarchie, qui peut ainsi envoyer le signal selon lequel une situation se tend, ou au contraire chercher à montrer une volonté d’apaisement. Chez les BRAV-M en revanche, les casques sont portés en toutes circonstances, alors que la polyvalence de leurs missions les conduit à se présenter au contact de manifestants dans des situations parfaitement calmes. Mais toute situation doit être tendue aux yeux des BRAV-M, qui interviennent souvent violemment même quand rien ne le laissait présager, sous les yeux parfois consternés de leurs collègues[6], qui ne sont pourtant pas toujours eux-mêmes d’une retenue exemplaire.

Par ailleurs, à la différence des casques à grande visière transparente des unités de maintien de l’ordre traditionnelles, ceux des BRAV-M, lorsque la mentonnière est baissée, ne montrent quasiment rien des visages des agents. Mais ceci n’a pas grande importance puisque les agents des BRAV-M portent, la plupart du temps, des cagoules qui, casque ou non, ne laissent apparaître que leurs yeux[7]. Le port de la cagoule est pourtant interdit en maintien de l’ordre[8]. Traditionnellement, les seules FDO autorisées à dissimuler leurs visages sont celles des forces spéciales, c’est-à-dire notamment celles qui ont été formées au combat armé. Le port de la cagoule véhicule donc une symbolique guerrière. Comme l’explique Christian Mouhanna, « la cagoule est aussi un moyen de dissuasion, destiné à intimider, voire à susciter la crainte. Elle permet au fonctionnaire de se prémunir des interactions avec la population. Ne pas pouvoir lire une expression sur le visage fait partie du rapport de force que l’on induit[9]. »

Dans un contexte où la France est régulièrement critiquée pour ses politiques de maintien de l’ordre qui portent atteinte au droit de manifester, il serait incompréhensible, si le préfet de police s’était donné pour mission de faciliter l’accès à ce droit, que la préfecture tolère cette pratique interdite qui intimide les manifestants. Mais ni le respect du droit[10], ni l’idéal démocratique, ne semblent constituer des principes cardinaux aux yeux de Didier Lallement, dont les idéaux apparaissent plutôt appartenir aux registres de l’ordre policier et de la discipline militaire[11].

Ces références s’expriment dans tout le système de représentation déployé autour de la BRAV-M.

L’acronyme BRAV (qui avait déjà été utilisé par le passé[12]) évoque la « bravoure », qui se définit comme « courage, particulièrement dans les combats[13] ». Devant le Sénat, Didier Lallement indiquait avoir choisi ce nom par goût des « acronymes qui parlent[14] » (poursuivant même en se vantant d’avoir nommé « ERIS » les unités qu’il avait créées pour mater les mutineries dans les prisons, du nom de la déesse de la colère, « bien placée à ce niveau-là »).

Quelle est alors la « signification » visée ? On pourrait penser que des agents missionnés pour garantir le bon déroulement des manifestations, et protéger l’exercice de ce droit et garantie démocratique, devraient montrer des qualités de sang-froid, de calme, de discernement. Mais Didier Lallement préfère mettre l’accent sur le « courage au combat ». Ceci n’étonne guère de la part d’un homme qui revendique, au moment où il occupe ses fonctions de préfet de police, tenir pour texte de référence le code d’honneur de la Légion étrangère[15], soit un texte destiné à des soldats connus pour leur violence, et engagés dans des combats à mort contre des « ennemis »[16]. Cette conception de la manifestation comme le lieu d’un combat entre ennemis s’est d’ailleurs révélée au grand jour à l’occasion d’une « petite phrase » qui aura fait du bruit : Didier Lallement, apercevant un pin’s gilet jaune sur la poitrine d’une dame venue lui parler, avait pris congé d’elle sur le champ, d’un « nous ne sommes pas dans le même camp ». Le plus haut responsable des opérations policières lors des manifestations de la région parisienne indiquait ici la conception qu’il se fait de ses fonctions : être l’homme d’un camp politique[17].

Comment pourrait-on alors croire que la BRAV-M, créée pour les manifestations, soit là pour assurer leur bon déroulement, pour protéger les manifestants et leurs droits ? Ceci constitue pourtant l’obligation positive de l’État selon la Convention européenne des droits de l’homme qui, à propos des manifestations, pose un « principe selon lequel l’État doit non seulement éviter les ingérences mais aussi apporter sa protection », avec « une obligation de neutralité, voire d’apaisement des tensions », et des autorités censées défendre et promouvoir les valeurs intrinsèques à un système démocratique, telles que le pluralisme, la tolérance et la cohésion sociale » [18].

Avec le recours aux BRAV-M, la préfecture de police semble chercher, au contraire, à dissuader les gens d’exercer leurs droits. Les policiers membres de ces unités agissent en effet de manière violente, mais aussi imprévisible. Ceci fait peser un risque sur l’ensemble des manifestants, qui ont appris à craindre cette unité dont la présence indique le risque de violences et de situations qui dégénèrent d’un coup, les dissuadant sûrement parfois de revenir manifester.

Les BRAV-M se distinguent notamment des autres unités traditionnellement engagées sur le maintien de l’ordre par leur vitesse de déplacement. Transportés en motos, les agents peuvent apparaître en quelques minutes n’importe où, et c’est d’ailleurs la raison invoquée par Didier Lallement pour justifier la création de cette nouvelle unité à partir de mars 2019. Mais c’est aussi en action, dans les manœuvres à pied, que les BRAV-M sont rapides : leur équipement léger leur permet de courir plus vite ou plus longtemps que les unités spécialisées, comme les CRS ou les GM. Il devient donc plus difficile pour les manifestants de se placer hors de portée d’une potentielle charge : lorsque la BRAV-M est présente, tout lieu devient dangereux. Ces charges et bonds offensifs sont de plus imprévisibles car ils surviennent souvent sans être précédés des tensions qui pourraient laisser présager une intervention policière.

Cette imprévisibilité repose notamment sur l’« autonomie tactique, souhaitée par le plus haut niveau de l’État[19] », qui consiste à assigner aux BRAV un périmètre d’action sur lequel elles agiront de leur propre initiative, sans attendre d’en recevoir l’ordre depuis la salle de commandement. La Préfecture leur a même ouvert une fréquence radio réservée, qui « permet aux unités BRAV, qui sont très mobiles, à la fois bien évidemment de discuter entre elles, mais également de se positionner entre elles et de favoriser cette autonomie tactique ». Dès lors, ce sont les gradés sur le terrain, plutôt que la salle de commandement, qui prennent les décisions.

Lorsque des citoyens décident de manifester pour contester la politique gouvernementale, la Préfecture de police envoie donc sur les zones de manifestation des groupes de policiers, auxquels elle laisse le soin de juger quand il faut laisser faire ou intervenir, faire preuve de « bravoure », et selon quelles modalités. Cette autonomie tactique se traduit notamment par le fait que les BRAV-M semblent souvent réagir à chaud, sans considération générale de la situation, sans chercher en priorité l’apaisement des tensions ou la possibilité pour les citoyens d’exercer leurs droits dans des conditions satisfaisantes.

Le « style BRAV-M », son penchant pour la dissimulation et l’intimidation, s’exprime dans un type de positionnement en manifestation.

L’imprévisibilité de la BRAV-M et l’insécurité qu’elle suscite relève aussi du fait que les BRAV-M sont souvent positionnées en première lignes avec les compagnies d’intervention (CI)[20] pour mettre en œuvre une stratégie qui semble typique du « style Lallement » : les charges latérales qui scindent les cortèges, blessent les manifestants et créent la panique dans la foule, traitée comme une matière à ciseler à coups de matraques et de boucliers[21].

Enfin, la tendance de la BRAV-M à déplacer les points de violence lorsque la situation dégénère participe aussi à son imprévisibilité et à l’insécurisation des manifestations. Prises à partie, les unités de BRAV-M refusent généralement de reculer ou d’opposer une résistance passive, deux options qui font pourtant partie des stratégies de désescalade possible. De manière assez systématique, la BRAV-M choisit la contre-attaque, quitte à avancer et à déplacer les conflits vers des zones où se trouvent des personnes non impliquées[22]. Ceci empêche les manifestants qui le souhaiteraient de se positionner en retrait des points de tension, puisque la BRAV-M déplace ces points, les multiplie parfois. Tout devient donc incertain et dangereux lorsque la BRAV-M entre en action.

Cette imprévisibilité dans les interventions est annoncée par des symboles. Le « style BRAV-M », son penchant pour la dissimulation et l’intimidation, s’exprime dans un type de positionnement en manifestation. Les agents donnent en effet souvent l’impression d’être embusqués aux abords des cortèges, postés derrière des angles d’immeubles, des kiosques ou des colonnes, ou tout ce qui peut faire office d’écran. Ceci ne les empêche évidemment pas d’être visibles : dix-huit agents armés et vêtus de noir, casques de moto sur la tête, passent difficilement inaperçus, même sommairement dissimulés par un relief urbain. Que cherchent alors à faire les BRAV-M en se positionnant ainsi ? La BRAV-M est tellement détestée par bon nombre de manifestants[23] que l’on ne peut pas négliger l’hypothèse selon laquelle les policiers chercheraient à se protéger d’éventuels jets de projectiles. Mais les agents, même ainsi cachés, sont tellement visibles, qu’ils semblent surtout vouloir montrer quelque chose : montrer qu’ils sont là, ou pourraient l’être au prochain coin de rue, prêts à surgir de nulle part, à tout moment. Ils se montrent comme des agents embusqués, prêts à fondre sur des gens qui ne s’y attendent pas.

Les uniformes de la BRAV-M accentuent cette tendance à la dissimulation : ce sont des tenues noires de motards, qui ne laissent pas toujours apparaître rapidement la qualité de policiers des agents, dont la mention la plus visible est l’inscription « POLICE », généralement écrite en gris foncé sur un carré gris clair dans les dos des agents. Cela peut toutefois varier d’une unité à l’autre, et les agents portent souvent le brassard orange « POLICE », ordinairement réservé aux unités comme la BAC, qui opèrent en tenue civile – c’est-à-dire celles qui sont formées à faire du « saute-dessus », prenant les gens par surprise (la BAC fournissait d’ailleurs un tiers des effectifs de la BRAV-M au moment de sa création selon Didier Lallement[24]).

Le blouson de moto, enfin, a été choisi chez la marque Bering dont le logo, floqué au niveau des épaules, bien visible, là où d’autres unités arborent leurs écusson, représente la tête d’un prédateur, gueule ouverte et menaçante. Hasard ou non, ce symbole est en parfaite cohérence avec le reste de l’imagerie et des discours qui accompagnent la BRAV-M, et participe à la construction de l’apparence menaçante qui s’en dégage.

Peut-on alors parler d’un retour des voltigeurs ? Didier Lallement, qui avait déjà eu recours à des policiers à motos lors des manifestations de gilets jaunes à Bordeaux[25], conteste devant les parlementaires[26] la tentation de lire le recours aux motos comme un symbole. « Ce dispositif, explique le préfet, est tout à fait différent de celui des voltigeurs, dont il n’est pas question qu’il soit rétabli. » Celui qui aime les médailles, le drapeau[27] et les acronymes signifiants recommande de ne voir dans la moto qu’un moyen de déplacement adapté à l’agglomération parisienne, un simple « vecteur ». Libéré de la symbolique, Didier Lallement peut alors proposer sans crainte une nouvelle analogie : « La moto, c’est aux fonctionnaires des BRAV ce qu’est le parachute dans un certain nombre d’unités militaires ; c’est un vecteur, on ne combat pas en parachute, on se projette avec le parachute. C’est ce que font, par exemple, les unités de chasseurs parachutistes, les sapeurs parachutistes, c’est ça leur métier. Donc, on applique exactement la même doctrine. » Si les BRAV-M ne doivent pas évoquer les voltigeurs, on aura du mal à oublier ce qu’un ancien colonel de l’armée française nommait « l’imaginaire du sale guerrier incarné par le parachutiste[28] ». Prenant de court celles et ceux qui cherchent une référence chez les meurtriers de Malik Oussekine, Lallement, fan de la Légion, préfère celle des « paras », cohérente avec le rôle de chasseurs que les BRAV-M surjouent avec leurs positions embusquées, illustré par le logo qu’ils portent aux épaules.

Il y a donc le public qui compare la BRAV-M aux voltigeurs. Mais il y a aussi l’ensemble des symboles ou analogies, mobilisés par le préfet ou visibles sur les BRAV-M eux-mêmes, qui forment ensemble un système de représentation dont se dégage une signification tout à fait claire et cohérente : la BRAV-M est une unité de combat, destinée à lutter contre des ennemis, contre ceux de l’autre « camp ».

Les unités de BRAV-M se caractérisent surtout par leur violence et leur mépris des règles encadrant l’usage de la force.

Une criminalisation des manifestants se lit donc derrière le recours à la BRAV-M. D’abord, simplement, au sens où la BRAV-M est une unité d’interpellation. Les agents sont ainsi conduits à chercher dans les cortèges des suspects à interpeller, plutôt qu’à veiller à garantir la possibilité d’une contestation politique dans la rue. Ils viennent au contact des foules, et les fendent parfois pour fondre sur quelqu’un. Ces interpellations ne sont en rien la preuve d’une culpabilité quelconque de la personne visée : on voit parfois les BRAV-M (ou d’autres unités d’interpellation) arrêter des gens pour les relâcher aussitôt ou dans les minutes suivantes. Une enquête de Mediapart a d’ailleurs montré que les arrestations par des compagnies de la Préfecture de police (CI et BRAV-M dans ce cas) concernaient souvent des gens à qui la justice ne trouvait ensuite rien à reprocher[29]. La doctrine fait donc peser sur les manifestants le risque d’être victimes d’interpellations, parfois brutales, pouvant donner lieu à des gardes à vue, ou à des contraventions sous un motif fallacieux[30]. La présence de la BRAV-M, dédiée à ce type d’intervention, augmente cette menace qui pèse sur les manifestants et augmente la somme des dissuasions auxquelles ils doivent déjà faire face.

Mais les unités de BRAV-M se caractérisent surtout par leur violence et leur mépris des règles encadrant l’usage de la force. Une enquête de Mediapart, par exemple, révèle que « la part de jets non réglementaires de GMD [grenades de désencerclement] s’élève à 43 % chez les CRS, contre 63 % pour les BRAV-M »[31]. De manière générale, l’Observatoire parisien des libertés publiques note une dangerosité particulière de la BRAV-M, qui est d’ailleurs impliquée dans plusieurs incidents à l’encontre des observateurs[32]. Cette violence s’exprime dans l’usage non proportionné et non nécessaire de la force, et dans l’attitude des membres des BRAV-M qui peuvent certes charger ensemble, mais aussi prendre des positions devant les lignes de FDO, avec les manifestants, pour y faire « régner l’ordre » à la matraque télescopique[33], par bonds offensifs chaotiques.

Les manifestants parisiens sont coutumiers de cette violence, et ont appris à reconnaître la BRAV-M, qui suscite toujours plus d’animosité et de crainte que les autres unités de police. Comme l’OPLP le notait déjà en décembre 2020, « la hiérarchie ne peut ignorer ce que les équipes de l’OPLP constatent, manifestation après manifestation : la présence des BRAV-M est, de façon presque systématique, source de vives tensions[34] ». Didier Lallement revendique en effet une présence permanente dans la « salle de commandement » pendant les grosses journées de manifestation[35]. Il sait donc parfaitement ce que font les BRAV-M qu’il a créées, et qu’il encourage par ses discours, par son souhait de voir la police « impacter » les groupes de manifestants.

Que cherche alors à faire Didier Lallement avec ses BRAV-M ? Créées pour les manifestations, les BRAV-M ont ensuite été mobilisées dans le cadre des restrictions dues à la crise sanitaire, mais aussi pour disperser des groupes de supporters ou pour des interventions quotidiennes sur la voie publique. Dans ces différentes missions, l’unité s’est souvent faite remarquer pour sa violence, son intransigeance ou son absence de discernement[36].

La doctrine de maintien de l’ordre parisienne, durcie ces dernières années, a continué à évoluer sous les ordres de Didier Lallement vers des pratiques dangereuses et liberticides. Les manifestations sont encerclées, les manifestants sont violentés, et la loi est utilisée comme un instrument de répression plutôt que de protection des droits. Didier Lallement a ainsi pu prétendre qu’il avait interdit ou annulé une manifestation, lorsque cela ne relevait pas de sa compétence et qu’aucun arrêté n’avait été publié par ses services[37]. Il expliquait aussi, devant le Sénat, qu’il faut laisser se dérouler un cortège déclaré, mais que « quand il n’est pas déclaré évidemment, il faut le faire cesser et aboutir à une dissolution très rapide[38] ». Ce dernier point n’a pourtant rien d’« évident » : si l’organisation d’une manifestation non déclarée est interdite, il n’est pas interdit d’y participer s’il n’y a pas d’arrêté le précisant. Dans une société démocratique, le droit de manifester devrait par ailleurs être compris de façon extensive, et l’absence de déclaration ne devrait pas constituer une raison a priori pour faire cesser un rassemblement. La spontanéité ne devrait pas être perçue, en elle-même, comme une menace à réprimer.

La BRAV-M peut correspondre à une tentative de contrôle total de l’espace public.

C’est pourtant cette conception qui sous-tend les politiques d’ordre public de la Préfecture de police de Paris. Les manifestations sont ainsi très régulièrement encerclées, avec interdiction pour les manifestants de se trouver hors de la zone délimitée par la police. Toute tentative de s’écarter de ces dispositifs est considérée comme tentative de participer à une manifestation non déclarée, et est ainsi réprimée, donnant souvent lieu à des affrontements qui auraient été évités si la hiérarchie policière ne s’était pas donnée pour mission de contrôler l’espace public au mètre près, et d’y dessiner des frontières arbitraires à l’intérieur desquelles seules s’exercerait le droit de manifester.

La BRAV-M peut correspondre, de ce point de vue, à une tentative de contrôle total de l’espace public : une unité au don d’ubiquité, pour pouvoir poursuivre puis attendre les cortèges, pour les « impacter » au maximum, et rappeler qui est le maître sur l’espace public.

En 2020, des hauts responsables du maintien de l’ordre s’étaient justement inquiétés des ordres illégaux de Didier Lallement et du comportement des BRAV-M. Mediapart relaie ainsi le témoignage d’un CRS : « Ça a commencé à dégénérer quand les BRAV ont commencé à intervenir […], les BRAV se sont mis à foncer dans le tas. […] C’est incroyable de foncer dans le tas comme ça alors que ce n’était pas conflictuel […]. La manière d’agir des BRAV démontre soit un manque d’expérience, soit un manque de lucidité, soit des ordres à la con. […] Ils ont bien reçu l’ordre de quelqu’un de charger. Alors le mec qui a décidé ça, collègue ou pas, c’est un âne. » Puisque les BRAV-M sont autonomes tactiquement, l’« âne » donneur d’ordres devait peut-être se trouver sur le terrain, mais il avait été mis là par la salle de commandement.

Il n’est pas inutile, à cet égard, de s’intéresser aux profils retenus par la Préfecture de police pour encadrer les BRAV-M : on trouvait à leur tête, jusqu’en septembre 2020 au moins, le commissaire divisionnaire Tomi[39], bien connu pour ses dérapages, répertoriés dans un article de StreetPress[40]. Un autre commissaire de la BRAV-M avait quant à lui été identifié par une enquête du journal Le Monde[41]¸ comme l’auteur de violences injustifiables et d’une blessure au visage d’un journaliste. En confiant le commandement à des hommes connus pour de tels comportements, la hiérarchie préfectorale ne peut ignorer quel message sera reçu par le reste des agents : un bon BRAV-M est un BRAV-M violent.

Tout ceci témoigne d’une philosophie répressive concernant l’ordre et l’espace public. Mais la BRAV-M répond aussi probablement à de banales préoccupations managériales. Devant l’Assemblée nationale comme devant le Sénat, dans les jours suivant sa prise de fonction à Paris, Didier Lallement était parfois interrogé sur la fatigue qui touche les FDO et sur leur manque de moyens, notamment humains, étant donné l’augmentation du nombre de manifestations, et les réductions de postes engagées quelques années plus tôt chez les CRS et les GM.

Le préfet – est-ce l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement l’a nommé ? – répondait qu’il y a « suffisamment de moyens en matière de maintien de l’ordre », mais « des carences en matière d’organisation »[42]. Il y a certes, explique-t-il invariablement, « une fatigue physique », mais aucune « fatigue morale ». Dès lors, faut-il comprendre, tout va bien puisque la forme morale est la seule qui compte, et elle ne saurait se laisser diminuer par la vulgaire fatigue des corps. De plus, rassure Didier Lallement, les policiers prennent tous leurs jours de congés, mais il faut reconnaître un problème : ils ne peuvent plus les prendre le week-end, et les passer en famille. Le moral pourrait-il être atteint ? En tous cas, ce n’est toujours pas une question de moyens : « pour donner des récupérations le samedi, encore faut-il que les manifestations s’arrêtent ! », explique Didier Lallement. Autrement dit, la « fatigue physique » de ne pas voir suffisamment sa famille ne résulte pas d’un manque d’effectifs, mais seulement d’une surcharge de travail, car il y trop de manifestants !

Didier Lallement, diplômé de l’Institut supérieur de gestion, adopte donc une perspective tout à fait cohérente avec les principes portés par Emmanuel Macron et les membres de son gouvernement : la fonction publique doit prendre exemple sur la logique du secteur privé, qui cherche à augmenter le profit en en réduisant ses coûts sans réduire la production. C’est la fin que les techniques managériales se proposent d’atteindre : « faire plus avec moins[43] ». C’est le rôle des BRAV-M, suffisamment mobiles pour pouvoir intervenir sur plusieurs zones le même jour, et suffisamment mal formées pour qu’aucune tâche ne puisse échapper à leur polyvalence, qui serait impossible à imposer aux unités trop spécialisées.

Cette logique managériale se retrouve aussi peut-être dans l’orientation vers l’interpellation de la BRAV-M : elle permet d’obtenir des résultats chiffrés (sur lesquelles le ministère ou la Préfecture peuvent fièrement communiquer), ce qui serait impossible avec une doctrine axée sur la protection des droits. Enfin, l’« autonomie tactique » accordée aux BRAV-M rappelle inévitablement « le management par délégation de responsabilité[44] », censé motiver les troupes en leur confiant les prises de décision, mais aussi protéger la hiérarchie en faisant porter sur les niveaux hiérarchiques inférieurs la responsabilité des fautes éventuelles. On pense ainsi au « chèque en gris » théorisé par Jean-Paul Brodeur, « assez imprécis pour fournir au ministre qui l’émet le motif ultérieur d’une dénégation plausible de ce qui a été effectivement autorisé »[45]. Didier Lallement expliquait d’ailleurs devant le Sénat que l’« autonomie veut dire responsabilité […] donc c’est la mission du chef, qui sera sur le terrain, d’avoir la responsabilité de bien s’engager, de s’engager dans des conditions très professionnelles ».

Face aux polémiques nées des interventions policières lors de la finale de la Coupe d’Europe, on peut nourrir l’espoir d’un prochain remplacement à la tête de la Préfecture de police de Paris. Mais qu’adviendra-t-il alors de la BRAV-M, ainsi que de l’imaginaire et des pratiques que Didier Lallement aura entretenus dans cette institution ? Rarement la démission d’un préfet n’a autant été réclamée, mais cela n’a pas empêché le gouvernement de le maintenir en poste jusqu’ici. Si ce n’était plus le cas, cette fois-ci ou la prochaine, serait-ce vraiment pour faute, ou plutôt pour mission accomplie ?


[1] L’OPLP publiera prochainement un rapport sur la BRAV-M.

[2] Unités de la Police nationale ou de la Gendarmerie nationale, que nous désignerons par les expressions génériques de « police » ou « forces de l’ordre (FDO) ».

[3] Les agents sont principalement issus des Compagnies d’intervention (CI) de la Préfecture de police de Paris, et des Brigades anti-criminalité. Depuis octobre 2020, il existe au moins une BRAV-M permanente : la 24e CI.

[4] Lucas Lévy-Lajeunesse, « De l’encerclement des manifestations », AOC, 21 février 2022.

[5] Lire, à ce propos, Maintien de l’ordre, de David Dufresne, pp.206-212 : « Une panoplie qui, en soit, est une arme. Son usage suit une graduation très précise. Les forces de l’ordre enfilent telle ou telle tenue, en fonction de l’image qu’elles veulent produire. »

[6] Voir par exemple les vidéos, prises par un ancien membre de l’OPLP et par Rémy Buisine, où l’on voit des unités de BRAV-M se faire réprimander par d’autres policiers ou gendarmes, exaspérés de les voir envenimer une situation. Lire aussi Pascale Pascariello, « Les pratiques “illégales” du préfet Lallement », Mediapart, 7 mars 2020.

[7] Ceci est noté par les observateur·ices sur le terrain. Mais il suffit d’entrer « BRAV-M » dans le moteur de recherche Google images pour constater que le port de la cagoule est, sinon systématique, du moins très habituel au sein de cette unité. Le compte Instagram bravm_dopcsupport donne les mêmes indications.

[8] Cette interdiction a même été rappelée par le Ministère de l’Intérieur en décembre 2021, dans le Schéma national du maintien de l’ordre (2.7.2) : « Il est en outre rappelé que le port de la cagoule pour les personnels de ces unités intervenant en maintien de l’ordre est proscrit. »

[9] « Policiers encagoulés : “Il y a un risque de déshumanisation” », Le Parisien, 3 avril 2017.

[10] Voir, par exemple, les rapports d’observations de l’OPLP sur la journée du 16 novembre 2019, ou sur celle du 16 octobre 2021.

[11] Nicolas Chapuis et Ariane Chemin, « Enquête sur Didier Lallement, le préfet de police à poigne d’Emmanuel Macron », Le Monde, 24 février 2020.

[12] Par exemple à Lyon, fin 1992, pour une unité chargée d’intervenir dans les « zones sensibles » de la région (Mathieu Rigouste, La domination policière, La fabrique, p.62).

[13] « Bravoure » dans le Dictionnaire Larousse.

[14] Audition de Didier Lallement, préfet de police de Paris, par la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019.

[15] Nicolas Chapuis et Ariane Chemin, op. cit.

[16] Certaines des pratiques policières courantes sous l’autorité de Didier Lallement peuvent être comprises comme une application de la doctrine du droit de l’ennemi contre les manifestants. Lire à ce propos : Observatoire parisien des libertés publiques, « Partie IV : La nasse : une pratique policière révélatrice d’une doctrine désignant les manifestant.es comme “ennemi.es” », in CONTRÔLER, RÉPRIMER, INTIMIDER. Nasses et autres dispositifs d’encerclement policier lors des manifestations parisiennes, Printemps 2019 – Automne 2020, 2021.

[17] Ceci pourrait, dans un autre contexte, être considéré comme une marque d’honnêteté, partant du principe que les institutions ne sont jamais neutres. Mais la neutralité devrait au moins être visée par le préfet, en charge du bon déroulement des manifestations.

[18] Jean-François Akandji-Kombe, Les obligations positives en vertu de la Convention européenne des Droits de l’Homme, dans la série « Précis sur les droits de l’homme » de la Direction générale des droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

[19] Audition de Didier Lallement devant la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019.

[20] Probablement parce qu’elles dépendent directement de la Préfecture de police de Paris, à la différence des CRS et GM, qui ne sont pas sous son commandement en dehors des séquences de maintien de l’ordre pour lesquelles elles sont de passage à Paris.

[21] Lire par exemple, à propos de cette stratégie, le rapport d’observation de l’OPLP concernant la journée du 1er mai 2021. Voir aussi l’excellente enquête vidéo de Mediapart sur le maintien de l’ordre d’une manifestation contre le PPL Sécurité globale en décembre 2020. Lire aussi « Le préfet de Paris libère l’extrême violence policière » dans Médiapart sur la manifestation du 9 janvier 2020 : « Jeudi, le préfet a donné l’ordre aux policiers de la Brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M), reconnaissables à leurs casques de moto, et aux membres des Compagnies de sécurisation de couper puis de charger violemment le long cortège précédant la manifestation intersyndicale parisienne, et ce à trois reprises, alors même qu’aucune action violente ni de dégradation n’avait encore été commise. »

[22] Un exemple : une BRAV-M, faisant face à un cortège non déclaré, dans une zone ouverte et presque déserte de la porte de Courcelles, avait dès les premiers heurts avec quelques manifestants repoussé tout le monde vers le marché Berthier. Une autre unité de police était arrivée par l’autre côté, et c’est sur le marché que l’intervention policière avait eu lieu, avec des course-poursuites entre les étals, dans le brouillard des gaz lacrymogènes dont les manifestants et les usagers du marché, y compris des enfants, avaient été les victimes. Pour plus de détails, voir la Note d’observation des manifestations des gilets jaunes du 12 septembre 2020 de l’Observatoire parisien des libertés publiques.

[23] La présence de la BRAV-M en manifestation provoque généralement des réactions bien plus hostiles que celle d’autres unités de FDO. Une membre de la BRAV-M, interviewé dans le numéro 123 de la revue Liaison (revue de la Préfecture de police) admet : « Au cœur d’une manifestation, il faut être particulièrement vigilant car nous ne sommes vraiment pas les bienvenus. »

[24] Audition de Didier Lallement à l’Assemblée nationale devant la Commission d’enquête sur les moyens des forces de sécurité, le 4 avril 2019.

[25] Lire l’excellent Rapport d’enquête sur le maintien de l’ordre à Bordeaux du 17 Novembre 2018 au 16 Février 2019 de l’Observatoire girondin des libertés publiques.

[26] Audition de Didier Lallement devant la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019.

[27] Nicolas Chapuis et Ariane Chemin, Op. cit.

[28] André Thiéblemont, « Imaginaires du militaire chez les Français », Inflexions, vol. 20, no. 2, 2012, pp.197-207.

[29] On peut à cet égard se référer au décompte de Mediapart à propos de la journée du 12 décembre 2020 : le ministre de l’Intérieur avait fièrement annoncé cent quarante-deux interpellations, mais certaines personnes arrêtées n’avaient même pas été placées en garde à vue, et seules vingt-huit avaient finalement été poursuivies ou condamnées.

[30] Voir, par exemple, la polémique liée à la verbalisation de gilets jaunes et de la journaliste qui s’entretenait avec eux. Et un autre exemple de zèle : des avocats et leurs clients verbalisés par la BRAV-M.

[31] Sébastien Bourdon, Emile Costard et Antoine Schirer, « Cinq ans de manifestations disséquées : comment les forces de l’ordre usent des grenades au mépris des règles », Mediapart, 5 juillet 2021.

[32] Le 24 novembre 2020, une équipe d’observation s’est trouvée sur le chemin d’une charge de la BRAV-M, et deux observatrices ont reçu des coups de boucliers. Le 1er mai 2021, un observateur a été délibérément poussé à terre par un agent de la BRAV-M. Les observateurs portent pourtant un équipement qui les rend toujours parfaitement identifiables.

[33] Voir par exemple, parmi les rapports et notes d’observation publiés par l’observatoire ici, ou encore .

[34] OPLP, Note d’observation sur la Manifestation contre la proposition de loi Sécurité globale du 5 décembre 2020 à Paris.

[35] Audition de Didier Lallement à l’Assemblée nationale devant la Commission d’enquête sur les moyens des forces de sécurité, le 4 avril 2019.

[36] Voir ici, par exemple, pendant les restrictions sanitaires.

[37] Voir le rapport de l’OPLP portant sur le maintien de l’ordre et les décisions du préfet de police le 16 novembre 2019.

[38] Audition de Didier Lallement devant la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019.

[39] Selon Liaison, le magazine de la PPP, daté de septembre 2020, pour lequel M.Tomi a donné un entretien.

[40] Robin Jafflin, « Le commissaire filmé en train de matraquer un manifestant traîne d’autres casseroles », StreetPress, 1 février 2021.

[41] Arthur Carpentier et Service vidéo du Monde, « Journalistes matraqués : une nouvelle vidéo confirme la responsabilité du commissaire P. », Le Monde, 7 avril 2021.

[42] Audition de Didier Lallement à l’Assemblée nationale devant la Commission d’enquête sur les moyens des forces de sécurité, le 4 avril 2019.

[43] Johann Chapoutot, Libres d’obéir : Le Management, du nazisme à aujourd’hui, Gallimard, 2020, p.29.

[44] Ibid., p.106.

[45] Didier Fassin, « Pouvoir discrétionnaire et politiques sécuritaires. Le chèque en gris de l’État à la police », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 201-202, no. 1-2, 2014, pp. 72-86.

Lucas Lévy-Lajeunesse

Philosophe, professeur de philosophie en Seine-Saint-Denis, membre de l’Observatoire parisien des libertés publiques

Notes

[1] L’OPLP publiera prochainement un rapport sur la BRAV-M.

[2] Unités de la Police nationale ou de la Gendarmerie nationale, que nous désignerons par les expressions génériques de « police » ou « forces de l’ordre (FDO) ».

[3] Les agents sont principalement issus des Compagnies d’intervention (CI) de la Préfecture de police de Paris, et des Brigades anti-criminalité. Depuis octobre 2020, il existe au moins une BRAV-M permanente : la 24e CI.

[4] Lucas Lévy-Lajeunesse, « De l’encerclement des manifestations », AOC, 21 février 2022.

[5] Lire, à ce propos, Maintien de l’ordre, de David Dufresne, pp.206-212 : « Une panoplie qui, en soit, est une arme. Son usage suit une graduation très précise. Les forces de l’ordre enfilent telle ou telle tenue, en fonction de l’image qu’elles veulent produire. »

[6] Voir par exemple les vidéos, prises par un ancien membre de l’OPLP et par Rémy Buisine, où l’on voit des unités de BRAV-M se faire réprimander par d’autres policiers ou gendarmes, exaspérés de les voir envenimer une situation. Lire aussi Pascale Pascariello, « Les pratiques “illégales” du préfet Lallement », Mediapart, 7 mars 2020.

[7] Ceci est noté par les observateur·ices sur le terrain. Mais il suffit d’entrer « BRAV-M » dans le moteur de recherche Google images pour constater que le port de la cagoule est, sinon systématique, du moins très habituel au sein de cette unité. Le compte Instagram bravm_dopcsupport donne les mêmes indications.

[8] Cette interdiction a même été rappelée par le Ministère de l’Intérieur en décembre 2021, dans le Schéma national du maintien de l’ordre (2.7.2) : « Il est en outre rappelé que le port de la cagoule pour les personnels de ces unités intervenant en maintien de l’ordre est proscrit. »

[9] « Policiers encagoulés : “Il y a un risque de déshumanisation” », Le Parisien, 3 avril 2017.

[10] Voir, par exemple, les rapports d’observations de l’OPLP sur la journée du 16 novembre 2019, ou sur celle du 16 octobre 2021.

[11] Nicolas Chapuis et Ariane Chemin, « Enquête sur Didier Lallement, le préfet de police à poigne d’Emmanuel Macron », Le Monde, 24 février 2020.

[12] Par exemple à Lyon, fin 1992, pour une unité chargée d’intervenir dans les « zones sensibles » de la région (Mathieu Rigouste, La domination policière, La fabrique, p.62).

[13] « Bravoure » dans le Dictionnaire Larousse.

[14] Audition de Didier Lallement, préfet de police de Paris, par la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019.

[15] Nicolas Chapuis et Ariane Chemin, op. cit.

[16] Certaines des pratiques policières courantes sous l’autorité de Didier Lallement peuvent être comprises comme une application de la doctrine du droit de l’ennemi contre les manifestants. Lire à ce propos : Observatoire parisien des libertés publiques, « Partie IV : La nasse : une pratique policière révélatrice d’une doctrine désignant les manifestant.es comme “ennemi.es” », in CONTRÔLER, RÉPRIMER, INTIMIDER. Nasses et autres dispositifs d’encerclement policier lors des manifestations parisiennes, Printemps 2019 – Automne 2020, 2021.

[17] Ceci pourrait, dans un autre contexte, être considéré comme une marque d’honnêteté, partant du principe que les institutions ne sont jamais neutres. Mais la neutralité devrait au moins être visée par le préfet, en charge du bon déroulement des manifestations.

[18] Jean-François Akandji-Kombe, Les obligations positives en vertu de la Convention européenne des Droits de l’Homme, dans la série « Précis sur les droits de l’homme » de la Direction générale des droits de l’homme du Conseil de l’Europe.

[19] Audition de Didier Lallement devant la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019.

[20] Probablement parce qu’elles dépendent directement de la Préfecture de police de Paris, à la différence des CRS et GM, qui ne sont pas sous son commandement en dehors des séquences de maintien de l’ordre pour lesquelles elles sont de passage à Paris.

[21] Lire par exemple, à propos de cette stratégie, le rapport d’observation de l’OPLP concernant la journée du 1er mai 2021. Voir aussi l’excellente enquête vidéo de Mediapart sur le maintien de l’ordre d’une manifestation contre le PPL Sécurité globale en décembre 2020. Lire aussi « Le préfet de Paris libère l’extrême violence policière » dans Médiapart sur la manifestation du 9 janvier 2020 : « Jeudi, le préfet a donné l’ordre aux policiers de la Brigade de répression de l’action violente motorisée (BRAV-M), reconnaissables à leurs casques de moto, et aux membres des Compagnies de sécurisation de couper puis de charger violemment le long cortège précédant la manifestation intersyndicale parisienne, et ce à trois reprises, alors même qu’aucune action violente ni de dégradation n’avait encore été commise. »

[22] Un exemple : une BRAV-M, faisant face à un cortège non déclaré, dans une zone ouverte et presque déserte de la porte de Courcelles, avait dès les premiers heurts avec quelques manifestants repoussé tout le monde vers le marché Berthier. Une autre unité de police était arrivée par l’autre côté, et c’est sur le marché que l’intervention policière avait eu lieu, avec des course-poursuites entre les étals, dans le brouillard des gaz lacrymogènes dont les manifestants et les usagers du marché, y compris des enfants, avaient été les victimes. Pour plus de détails, voir la Note d’observation des manifestations des gilets jaunes du 12 septembre 2020 de l’Observatoire parisien des libertés publiques.

[23] La présence de la BRAV-M en manifestation provoque généralement des réactions bien plus hostiles que celle d’autres unités de FDO. Une membre de la BRAV-M, interviewé dans le numéro 123 de la revue Liaison (revue de la Préfecture de police) admet : « Au cœur d’une manifestation, il faut être particulièrement vigilant car nous ne sommes vraiment pas les bienvenus. »

[24] Audition de Didier Lallement à l’Assemblée nationale devant la Commission d’enquête sur les moyens des forces de sécurité, le 4 avril 2019.

[25] Lire l’excellent Rapport d’enquête sur le maintien de l’ordre à Bordeaux du 17 Novembre 2018 au 16 Février 2019 de l’Observatoire girondin des libertés publiques.

[26] Audition de Didier Lallement devant la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019.

[27] Nicolas Chapuis et Ariane Chemin, Op. cit.

[28] André Thiéblemont, « Imaginaires du militaire chez les Français », Inflexions, vol. 20, no. 2, 2012, pp.197-207.

[29] On peut à cet égard se référer au décompte de Mediapart à propos de la journée du 12 décembre 2020 : le ministre de l’Intérieur avait fièrement annoncé cent quarante-deux interpellations, mais certaines personnes arrêtées n’avaient même pas été placées en garde à vue, et seules vingt-huit avaient finalement été poursuivies ou condamnées.

[30] Voir, par exemple, la polémique liée à la verbalisation de gilets jaunes et de la journaliste qui s’entretenait avec eux. Et un autre exemple de zèle : des avocats et leurs clients verbalisés par la BRAV-M.

[31] Sébastien Bourdon, Emile Costard et Antoine Schirer, « Cinq ans de manifestations disséquées : comment les forces de l’ordre usent des grenades au mépris des règles », Mediapart, 5 juillet 2021.

[32] Le 24 novembre 2020, une équipe d’observation s’est trouvée sur le chemin d’une charge de la BRAV-M, et deux observatrices ont reçu des coups de boucliers. Le 1er mai 2021, un observateur a été délibérément poussé à terre par un agent de la BRAV-M. Les observateurs portent pourtant un équipement qui les rend toujours parfaitement identifiables.

[33] Voir par exemple, parmi les rapports et notes d’observation publiés par l’observatoire ici, ou encore .

[34] OPLP, Note d’observation sur la Manifestation contre la proposition de loi Sécurité globale du 5 décembre 2020 à Paris.

[35] Audition de Didier Lallement à l’Assemblée nationale devant la Commission d’enquête sur les moyens des forces de sécurité, le 4 avril 2019.

[36] Voir ici, par exemple, pendant les restrictions sanitaires.

[37] Voir le rapport de l’OPLP portant sur le maintien de l’ordre et les décisions du préfet de police le 16 novembre 2019.

[38] Audition de Didier Lallement devant la commission des lois du Sénat, le 3 avril 2019.

[39] Selon Liaison, le magazine de la PPP, daté de septembre 2020, pour lequel M.Tomi a donné un entretien.

[40] Robin Jafflin, « Le commissaire filmé en train de matraquer un manifestant traîne d’autres casseroles », StreetPress, 1 février 2021.

[41] Arthur Carpentier et Service vidéo du Monde, « Journalistes matraqués : une nouvelle vidéo confirme la responsabilité du commissaire P. », Le Monde, 7 avril 2021.

[42] Audition de Didier Lallement à l’Assemblée nationale devant la Commission d’enquête sur les moyens des forces de sécurité, le 4 avril 2019.

[43] Johann Chapoutot, Libres d’obéir : Le Management, du nazisme à aujourd’hui, Gallimard, 2020, p.29.

[44] Ibid., p.106.

[45] Didier Fassin, « Pouvoir discrétionnaire et politiques sécuritaires. Le chèque en gris de l’État à la police », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 201-202, no. 1-2, 2014, pp. 72-86.