International

Haïti, le déshonneur de l’Occident

Écrivain

En Haïti, l’Occident a choisi d’appuyer un pouvoir illégitime, incapable de gouverner autrement que par la répression et la corruption, incapable d’organiser des élections crédibles, incapable d’améliorer la situation sécuritaire. Aujourd’hui, il appuie ce qu’il en reste. Les interventions de l’Occident ralentissent le processus difficile vers de réelles conquêtes démocratiques et le progrès social : ce qui est refusé à la société haïtienne, c’est le politique.

Port-au-Prince, ma ville. Sur les deux derniers mois, plus de deux cents morts par balles. Les sorties de la ville, le Portail Saint-Joseph vers le nord, le Portail Léogane vers le sud donnent sur des routes occupées par des gangs. Des milliers de personnes ont quitté leurs quartiers, cherchant refuge là où peut-être ça ne tirera pas comme ça tire chez eux, à hauteur d’homme. Un jeune ami poète nous raconte à l’Atelier Jeudi Soir que dans la cité où il vit, sa mère et lui dorment à même le sol. Le lit ne sert plus que de modeste rempart.

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Chaque jour, les kidnappings font les nouvelles du jour. Plus de 200 cas d’enlèvements recensés par les Nations unies pour le mois de mai. Le pouvoir politique : un Premier ministre de facto nommé par le président Jovenel Moïse, hors de toutes les exigences constitutionnelles la veille de son assassinat le 7 juillet 2021. Cette nomination avait donné lieu à des protestations de la part de la société civile et de nombreux partis et regroupements politiques. Mais les États-Unis, l’OEA, le Core Group[1], la mission des Nations unies ont approuvé et imposé. Comme lorsque l’ensemble des institutions politiques et citoyennes avaient, suivant la lettre de la Constitution, constaté la fin du mandat du président Moïse le 7 février 2021, les États-Unis, l’OEA, le Core Group, la mission des Nations unies avaient donné leur propre interprétation de la Constitution haïtienne et décidé que le mandat présidentiel prendrait fin un an plus tard et imposé leur décision.

Pourtant, depuis 2018, de mouvements spontanés en propositions élaborées, les Haïtiens réclament dans leur majorité les jugements des auteurs des massacres perpétrés dans les quartiers populaires ; les jugements des dilapidateurs des fonds Petrocaribe, plus de 3 milliards de dollars prêtés par le Venezuela ; une « transition de rupture » permettant la tenue de véritables élections (le taux de participation à l’élection de Moïse était de 21 %) avec un Conseil électoral digne


[1] Entité constituée par les ambassadeurs des États-Unis, de l’Espagne, de la France, de l’Allemagne, du Canada, du Brésil, par le représentant spécial de l’Organisation des États Américains et par la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies.

Lyonel Trouillot

Écrivain, Poète

Notes

[1] Entité constituée par les ambassadeurs des États-Unis, de l’Espagne, de la France, de l’Allemagne, du Canada, du Brésil, par le représentant spécial de l’Organisation des États Américains et par la représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies.